Une communauté patiente : l’histoire de Ramatou

Assises en cercle autour d’une caisse d’épargne à même le plancher de sable, quelque part dans le village d’Hamdallaye au Niger, 24 femmes ont trouvé un moyen d’échapper à la pauvreté – ensemble.

Par Therese Leine Sogard

La « numéro sept » peut-elle venir?

La « numéro sept » se lève de la paillasse à motif, efface les plis de sa robe rose et s’approche des cinq femmes désignées pour gérer la caisse d’épargne. Elle dépose ses économies de la semaine dans un bol en plastique bleu, avant que les billets soient mis dans la caisse.

La secrétaire du groupe, Ramatou Yayé (45 ans), ajuste son voile blanc. Elle ouvre ensuite son carnet avec précaution et y inscrit les montants déposés par les autres femmes. Chaque fois que les femmes du groupe se réunissent – tous les jeudis à 14 h –, elles versent chacune 500 XFA-francs (environ 0,85 $US). Après quelque temps, elles peuvent faire un emprunt à même la caisse pour investir, par exemple, dans l’achat d’une chèvre ou d’un lopin de terre. Les versements et les intérêts sont déterminés par le groupe, et les profits sont divisés entre les femmes. De cette façon, elles peuvent économiser des fonds en vue d’activités génératrices de revenus, de dépenses pour le foyer ou de frais scolaires pour les enfants. Ces femmes se sont regroupées en 2000. Elles ont choisi d’appeler leur groupe « Patience », qualité que toutes les femmes au Niger doivent posséder.

En dernière position

« Si je pouvais faire quelque chose pour améliorer la situation des femmes au Niger, ce serait de leur donner l’autonomie financière afin qu’elles puissent prendre soin d’elles », dit Ramatou.

Alors que les Nations unies soulignent que le Canada affiche l’un des meilleurs indices de développement, le Niger, lui, termine au dernier rang du classement des 187 pays et territoires. Ça signifie que si vous êtes une fille au Niger, votre point de départ dans la vie est loin d’être équitable. De fait, les femmes sont systématiquement victimes de discrimination dans toutes les sphères de la société : dans leur famille, dans l’emploi et dans l’éducation. Si l’on regarde l’ensemble de la population nigérienne, 75 % des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté sont des femmes. Et seulement 9 % des femmes au Niger savent lire et écrire.

À l’âge où les adolescentes canadiennes commencent à s’intéresser au maquillage et aux médias sociaux, de nombreuses filles du Niger abandonnent l’école.

« J’ai été à l’école jusqu’en 6e année. Mais je n’ai pas pu passer mon examen. Alors, j’ai dû décrocher », explique Ramatou.

Trop peu de filles n’achèvent pas leur scolarité au Niger. Et plusieurs tiennent les mêmes propos que Ramatou : qu’elles n’ont pu passer l’examen pour accéder au grade supérieur. Et si vous n’allez pas à l’école dans un pays comme le Niger, que faites-vous? Ramatou s’est mariée. Elle avait 14 ans. Avec sa faible scolarité, elle n’a pas réussi à se trouver un emploi. Elle dépend donc entièrement de son mari.

Contributions occasionnelles

Ramatou n’a pas eu d’enfants avec son premier mari. Elle a divorcé 8 ans plus tard et s’est remariée. Elle vit maintenant dans un mariage polygame comme tant d’autres au Niger. Mais cela n’aide en rien sa situation financière. Elle dépend toujours de son deuxième mari pour avoir de l’argent pour payer les dépenses du foyer.

« S’il ne me donne pas l’argent pour régler les dépenses, je dois être patiente. Parfois, il m’aide, mais souvent il ne me donne pas l’argent pour les choses dont j’ai besoin », confie-t-elle.

Un jour, des femmes lui ont demandé si elle souhaitait se joindre à un groupe d’épargne et de crédit que CARE avait mis sur pied. En plus de mieux comprendre le monde économique, elle pourrait avoir l’occasion d’apprendre à lire et à écrire, lui a-t-on dit.

« On me l’avait montré à l’école, mais je n’étais pas assez bonne. Quand j’ai joint le groupe, on m’a donné une formation complémentaire. »

Elle rit lorsqu’on lui demande si elle est maintenant alphabétisée : « C’est sûr, je suis la secrétaire du groupe. Je peux lire et écrire. »

Ce qui est encore plus important pour cette femme de 45 ans, c’est l’assurance qu’elle peut s’assumer financièrement, sans dépendre de son mari pour veiller au bien-être de ses enfants. Grâce aux économies du groupe, elle a commencé à vendre du couscous. Aujourd’hui, elle investit dans l’élevage de chèvres. Dans sa cour, elle possède des chèvres adultes et des chevreaux qui, à la vue des lentilles de caméra, montrent de grands yeux effrayés. Ramatou les rassure d’un regard fier.

« Je peux maintenant voir à mes besoins et à ceux de ma famille sans devoir attendre après l’argent de mon mari. C’est même lui qui me demande parfois de lui en prêter. »

– Vous rembourse-t-il toujours?

« Oh oui! S’il ne me rembourse pas, il sait qu’il n’aura plus un sou de moi », déclare-t-elle.

Pas gênée de s’exprimer

Le soleil impose au village une chaleur atteignant 40 degrés Celsius. Mais il fait tout de même frais dans la maison où les femmes du groupe se réunissent. Elles tiennent toujours leurs rencontres dans la maison du maire à Hamdallaye, parce que son épouse est l’ancienne présidente du groupe. Le sable au sol est recouvert de nattes et, dans le coin, il y a une table massive en bois et une chaise de bureau jaune dont les roulettes ne sont pas très utiles dans le sable. Toutes les femmes sont silencieuses, attendant les instructions des leaders.

Après six années à tenir le rôle de secrétaire, Ramatou a développé une solide confiance en elle-même. Elle n’a plus peur de prendre la parole dans sa communauté.

« Plusieurs ne me connaissaient pas avant. Mais aujourd’hui, je fais partie des gens invités aux rencontres avec le maire. Avant, je craignais de parler. Maintenant, je me fais entendre. »

Tout comme Ramatou qui a eu à faire preuve de patience avec son mari pour avoir les ressources lui permettant de prendre soin de ses enfants, toutes les femmes du groupe d’épargne et de crédit se montrent patientes. Cette qualité leur donne la possibilité de se constituer un capital, de se forger une confiance en elles-mêmes et de s’éloigner de la pauvreté.


Vous pouvez aider des femmes comme Ramatou à se sortir de la pauvreté. Et pas juste elles. Leurs familles et leurs communautés aussi.

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