Dadaab : Les femmes, porteuses d’eau mais aussi de responsabilités

Par Ninja Taprogge, agente de communications d’urgence, CARE, au camp de réfugiés de Dadaab (Kenya)

Hado Abdi Gedi a fait évoluer sa communauté – mais ce n’a pas été facile. Les hommes ne cessaient de l’approcher, très en colère, l’insultant parfois. Pourquoi? Pace qu’Hado travaille. Plus précisément parce qu’elle fait un travail qui, de tradition, était réservé aux hommes. Elle est l’une des trois gardes de sécurité qui surveillent les citernes d’eau au camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya.

Habituellement, les femmes se tiennent à côté des citernes d’eau quand elles remplissent d’eau propre leurs bidons jaunes. Chaque famille a plusieurs bidons et vient chercher environ 33 litres d’eau par jour et par personne. C’est une tradition somalienne qu’observait Hado avant de venir à Dadaab en 1997. Mais Hado a brisé le plafond de verre. La jeune femme de 28 ans n’est pas seulement responsable de la sécurité aux abords des citernes d’eau, elle veille aussi à ce que la communauté de réfugiés reçoive de l’eau propre deux fois par jour.

« Je suis fière d’avoir un emploi. Pour moi, c’est très important d’avoir des responsabilités, pas seulement à la maison mais aussi avec mes concitoyens somaliens » dit la jeune femme en souriant.

Photo: Sven Torfinn. Kenya, Dadaab refugee camp, February 2017. CARE and ECHO are providing portable drinking water to hundreds of thousands of people in the world's biggest refugee camp

Avec le soutien du département d’Aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO), Hado contribue à un système d’approvisionnement qui appuie plus de 160 000 réfugiés – plus de la moitié de la population du camp – et leur apporte près de cinq millions de litres d’eau par jour. Hado est l’une des 1 600 réfugiés travailleurs rémunérés au rendement par CARE qui s’occupent du système d’approvisionnement en eau, aident à distribuer la nourriture et font des formations sur l’hygiène dans les foyers des réfugiés.

Pendant plus de 25 ans, CARE a travaillé pour les réfugiés, mais aussi avec eux à Dadaab. Parmi les réfugiés bénévoles de CARE, il y a de plus en plus de femmes qui assument divers rôles importants. CARE ne perd jamais de vue l’égalité et les débouchés pour les femmes dans la communauté.

« La promotion des femmes et des filles est l’une de nos principales préoccupations, dit Nixon Otieno, gestionnaire de projet principal pour CARE à Dadaab. Hado a obtenu le poste bien qu’elle ne soit jamais allée à l’école.

« En Somalie, je n’avais pas le droit de sortir de la maison. Je n’ai jamais pu aller à l’école. Mais beaucoup de choses ont changé depuis que je suis arrivée à Dadaab », dit-elle.

La guerre civile qui sévit et les conséquences des grandes sècheresses en Somalie ont forcé Hado et des centaines de milliers de famille à s’enfuir de leur pays. À Dadaab, Hado s’est mariée, a eu des enfants et est devenue chef de famille quand son mari est décédé.

« Après la mort de mon mari, il nous fallait de l’argent pour survivre», explique Hado.

Photo: Sven Torfinn. Kenya, Dadaab refugee camp, February 2017. Women fetching water at water points. CARE and ECHO are providing portable drinking water to hundreds of thousands of people in the world

C’est pour cela qu’elle est allée voir le panneau où étaient affichées les offres d’emploi.

« J’ai d’abord été formée pour faire de la promotion de la santé, puis j’ai travaillé dans l’un des comités de CARE pour l’eau jusqu’à ce que je postule au poste de garde de sécurité pour les citernes d’eau. »

Au début, Hado a dû se battre pour être acceptée dans son poste mais maintenant la communauté l’a acceptée dans ces fonctions.

« Au début, les hommes venaient me voir pour se plaindre, mais je ne les ai pas écoutés, c’est tout. Je me suis contentée de faire mon travail, dit Hado. Maintenant ils savent que je prends mon travail au sérieux et que j’approvisionne la communauté en eau sans retard. Maintenant, tout le monde a foi en moi – même les hommes. »

Avec la petite somme d’argent qu’elle reçoit de CARE, Hado achète principalement des fournitures scolaires pour ses enfants qui vont à l’école dans le camp. Hado veut qu’ils puissent pourvoir à leurs besoins plus tard, sans dépendre des rations alimentaires mensuelles distribuées par les organisations d’aide. Elle aimerait aussi voir les femmes avoir un statut plus élevé dans la société somalienne.

« Des fois, nous devons tenir tête aux hommes. Assumer des responsabilités m’a aidé à avoir plus confiance en moi que jamais. J’espère que plus de femmes auront la possibilité de prendre leur vie en main », dit Hado.


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