Un jour dans la vie d’une employée de CARE en Somalie, pays de sécheresse

Alors qu’une terrible sécheresse sévit en Somalie, plus de 6,7 millions de personnes y ont besoin de nourriture et d’eau. Le nombre d’enfants qui souffrent de malnutrition sévère est vertigineux : 1,4 million. Parmi eux, 400 000 enfants ne vont plus à l’école puisque les familles les plus vulnérables sont souvent forcées de migrer vers les villes en quête de travail ou d’envoyer leurs enfants à la recherche d’eau. La sécheresse a causé des niveaux alarmants de déplacements locaux : quelque 739 000 personnes ont dû être déplacées. Les camps d’accueil commencent à déborder, ce qui augmente les risques de violences sexuelles chez les femmes et les filles.

Les gens en Somalie sont affligés de multiples problèmes de santé, dont certains ont des effets mortels : rougeole, malnutrition aigüe, choléra, diarrhées aqueuses sévères… Près de 50 000 cas de choléra ont déjà été rapportés depuis le début de l’année. Plus de 600 personnes en sont mortes. Les sources d’eau contaminées représentent la principale cause de crampes. CARE fournit justement des trousses de traitement du choléra dans les régions somaliennes où un nombre élevé de cas a été signalé. Afin de prévenir la propagation du choléra, CARE a distribué à plus de 250 000 personnes de l’eau potable, de la formation sur les mesures d’hygiène et des comprimés de purification d’eau.

Amrea Shire, la responsable du Programme d’urgence en Somalie, nous offre un aperçu de son travail dans ce pays actuellement dévasté par la sécheresse.

Amrea Shire, CARE’s Emergency Program Manager in Somalia

6 h

Mes journées ne sont jamais pareilles. La seule constance de ma routine quotidienne, c’est que je passe beaucoup de temps à voyager. À titre de responsable du Programme d’urgence pour CARE, je me déplace sur différents sites où nous sommes à l’œuvre afin d’organiser des distributions, de gérer des activités de « rémunération en espèces du travail » (cash-for-work) et de mettre à jour des listes de bénéficiaires. Comme mon travail se déroule essentiellement en régions éloignées, mes journées commencent très tôt le matin. Je mange toujours quelque chose de léger avant de partir au lever du soleil.

Lors d’un déplacement récent, j’ai visité 35 villages à Sool, l’une des régions les plus affectées par la sécheresse en Somalie. CARE travaille en collaboration avec le gouvernement somalien afin d’identifier les foyers les plus vulnérables devant recevoir des bons de nourriture et du soutien financier. C’est une tâche vraiment difficile. Tellement de personnes ont besoin d’aide. Et tellement de ressources sont manquantes. C’est pourquoi je dois m’assurer d’accorder la priorité aux plus démunis et de respecter les critères établis. La famille est-elle grande? Combien d’enfants la composent? Compte-t-elle des personnes âgées ou des femmes enceintes ou allaitantes? Dispose-t-elle d’autres formes de soutien? Ce sont tous des points que je dois considérer quand je parle à des gens sur les sites.

8 h

Une fois sur le terrain, mon vrai travail débute. Mon téléphone commence à sonner – c’est l’un des leaders d’une communauté voisine. Il m’explique que l’une des femmes de son village a besoin d’une assistance immédiate pour son bébé âgé de 18 mois, Abdi. Le petit garçon, qui souffre de malnutrition, est affaibli par des diarrhées. Puisque l’eau est une rareté, la famille boit celle qu’elle trouve où elle le peut. Probablement que l’eau bue était contaminée. Je réfère la famille au centre de nutrition soutenu par CARE et destiné aux femmes et aux enfants. Il est situé près de la ville de Bosaso. En temps normal, nos travailleurs de la santé auraient pesé Abdi, pris sa grandeur et mesuré la circonférence de son bras afin d’évaluer son degré de malnutrition. Chaque mesure sous les 11 cm est considérée comme de la malnutrition sévère – j’apprendrai plus tard que le bras d’Abdi mesurait moins de 10 cm. Les travailleurs de la santé retournent donc la mère Nasteexo à la maison en prenant soin de lui remettre du Plumpy Nut, un supplément à base d’arachides, pour le petit Abdi et aussi pour sa sœur Yasmin, aussi en état de malnutrition. La mère se fait conseiller de revenir au centre chaque semaine pour suivre les progrès de ses enfants et refaire le plein de Plumpy Nut.

Mother Deeqo and her baby Nimo of 9 months. She brings her severely malnourished child in for screening and treatment that includes a supply of Plumpy Nut.

10 h

Dans certains des villages les plus touchés, CARE a plusieurs projets en cours simultanément. Et qui dit projets multiples, dit responsabilités multiples pour moi! Quand j’organise une distribution de nourriture, je garde aussi un œil attentif sur nos activités existantes, dont notre projet de « rémunération en espèces du travail » (cash-for-work). Il y a quelques semaines, nous avons travaillé avec une communauté dans le camp de personnes déplacées d’Ainabo pour déterminer combien de ces personnes étaient en mesure de réactiver leurs moyens de subsistance. Les participants du projet cash-for-work reçoivent de l’argent en échange d’heures de travail flexibles consacrées à nettoyer un point d’eau pouvant préserver l’eau de pluie. En plus d’être bénéfique pour la communauté, ce genre de travail aide les gens à se sentir mieux et plus utiles.

13 h

C’est l’heure du lunch. Mais je ne mange habituellement qu’à mon retour à ma chambre ou au bureau. À l’un des points d’eau que CARE a réhabilités quand l’un des puits peu profonds s’est asséché, je rencontre une mère venue d’un camp de déplacés à proximité. Il y a quelque temps, elle a perdu tout son bétail et toutes ses ressources. Elle a donc pris l’habitude de marcher plus d’une heure et demie avec ses enfants pour trouver de l’eau. Mais l’eau s’est révélée contaminée. Trois de ses enfants sont décédés du choléra.

« Cette sécheresse a tout détruit. J’ai aussi peur qu’elle me prenne les enfants qu’il me reste », dit-elle.

Des histoires comme celle-ci, ça me chamboule complètement. Mais elles me rappellent constamment pourquoi je fais mon travail, pourquoi j’ai besoin de travailler et pourquoi je dois soutenir les gens de ma communauté.

In the Somalian drought women and girls are walking for hours searching for clean water.

15 h

J’essaie de revenir à mon petit hôtel ou à mon bureau avant la tombée du jour. Même si la sécurité est plus rassurante à Somaliland qu’ailleurs dans le pays – Somaliland est un État qui a gagné son indépendance en Somalie –, la prudence est de mise. Je suis consciente que les travailleurs de la santé ne sont pas à l’abri des attaques.

19 h

Ma journée de travail n’est pas terminée. Rendue à mon petit hôtel, je lis mes courriels et je vérifie ce qu’il me reste à faire, comme rédiger un rapport ou planifier une rencontre pour les prochains jours. Si je suis accompagnée de collègues, j’essaie de manger en leur compagnie. Ça me permet de discuter des choses que j’ai observées dans le cadre de mon travail et d’autres sujets. Parfois, nous regardons la télé pour nous détendre.

22 h

Souvent, je tombe au lit complètement vidée et exténuée. Il m’arrive de trouver ça difficile de dormir. Je réfléchis… Qu’arriverait-il si les parents que j’ai rencontrés perdaient tous leurs enfants? Qui et quoi apaiserait leur douleur? De nombreuses questions me hantent l’esprit. D’autres jours, je dors comme un bébé, persuadée que mon travail de la journée a fait une différence. Je mets à nouveau mon réveille-matin à 6 h, déjà impatiente de commencer la prochaine journée.


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