Un jour dans la vie d’une spécialiste chargée des questions d’égalité au cœur de la crise du lac Tchad

Fatouma Zara est la spécialiste des urgences en matière d’égalité des sexes de l’équipe d’intervention rapide de CARE. Fatouma travaille en collaboration avec nos équipes d’urgence afin de veiller à ce que la dimension du genre demeure au centre de tout ce que nous accomplissons. Les responsabilités de Fatouma l’ont menée dans une multitude de pays, notamment au Cambodge, au Mozambique, en Éthiopie et en Turquie.

Nous la retrouvons aujourd’hui à Diffa, une région du sud-est du Niger, sa ville natale. Diffa accueille quelque 340 000 personnes parmi les 2,4 millions de personnes déplacées en raison de la crise qui touche le Bassin du lac Tchad. Causée par des conflits violents ainsi que par une pauvreté extrême, un sous-développement et le changement climatique, la crise affecte plus de 17 millions de personnes à travers le nord-est du Nigeria, l’extrême nord du Cameroun, l’ouest du Tchad et le sud-est du Niger.

CARE aide plus de 300 000 personnes qui cherchent actuellement refuge dans la région de Diffa. Nous travaillons avec les partenaires locaux pour offrir des mesures d’hygiène et des kits pour bâtir des abris, de même que pour construire des latrines et des puits de forage, pour distribuer des fonds, des aliments, des graines et des équipements agricoles, et aussi pour donner du bétail comme des chèvres et des moutons.

CARE s’assure que les communautés avec lesquelles elle interagit ont voix au chapitre en ce qui concerne la planification, le déploiement et l’évaluation de ses programmes. Fatouma dirige une équipe d’évaluateurs qui renseignent les communautés déplacées à proximité de Diffa sur les services que CARE leur offre.

Fatouma Zara is the Gender in Emergencies specialist with CARE’s Rapid Response Team

3 h 30

C’est le ramadan. Ma journée débute donc à 3 h 30 du matin quand il fait encore noir. Je la commence par des prières pour marquer la fin du jour précédent, je déjeune rapidement – juste avec du lait et un café – puis je prie à nouveau, cette fois pour souligner le début du nouveau jour qui se lève. Ensuite, je me prépare pour entreprendre ma journée.

Mais avant de commencer à travailler, j’appelle à la maison pour voir si tout va bien pour ma famille. Je dois beaucoup voyager dans le cadre de mon travail et ce n’est pas facile d’être aussi souvent loin des miens. Quand je n’y suis pas, mon mari est comme la mère et le père de nos trois enfants. La technologie aide : je m’arrange pour leur parler chaque jour, peu importe où je me trouve.

8 h

Au bureau, je m’assure avec notre équipe logistique que nous pourrons nous rendre sur le terrain, là où l’on veut aller. Nous sommes trois équipes et chacune d’elle se déplace vers des sites différents, ce qui représente toute une opération. Nos équipes comprennent le personnel de CARE, mais aussi nos partenaires d’organisations locales non gouvernementales et d’organismes gouvernementaux. L’envergure de cette crise est énorme. Aussi il est important qu’on travaille tous ensemble.

Je me rends à Garim Wazam, un village au nord-est de la ville de Diffa, afin d’offrir du soutien à l’équipe qui y recueille des renseignements. Il y a quelques années, 700 personnes formaient la population de Garim Wazam. Aujourd’hui, ce nombre est passé à 21 000. La communauté accueille maintenant des réfugiés et des personnes déplacées venues du Nigeria.

10 h

Il faut compter 50 minutes pour se rendre jusqu’à Garim Wazam. Tout au long de notre trajet, nous passons devant les abris de fortune des personnes déplacées. Ces gens n’ont presque rien, et leurs abris sont faits avec les moyens du bord : branches d’arbre, tiges de mil, bâches, morceaux de vêtements…

12 h

Les visites se déroulent bien et nous recueillons une grande quantité de renseignements qui nous permettront de mieux planifier nos programmes. Plusieurs personnes ici – surtout les femmes – nous rapportent qu’elles ne reçoivent pas assez d’aide. Les besoins humanitaires générés par cette crise sont nombreux et les ressources, elles, sont limitées. CARE fait tout ce qu’elle peut, mais les communautés ont besoin de plus.

Fatouma Zara is the Gender in Emergencies specialist with CARE’s Rapid Response Team

15 h

Nous terminons nos visites, puis nous sommes prêtes à partir. J’essaie de parler à un maximum de personnes durant la journée. Tous les témoignages que j’entends sont uniques, mais si j’avais à en retenir un en particulier, ce serait celui d’une femme qui a fui son village. Elle m’a raconté que les insurgés avaient débarqué en furie à son village et tué presque tous les hommes et les garçons. Elle a vite empoigné son fils et couru. Les insurgés qu’elle a croisés lui ont dit qu’ils cherchaient encore plus d’hommes à tuer. Elle s’est donc empressée d’habiller son fils avec des vêtements de femme, ce qui lui a sauvé la vie. Ce genre de récit arrache le cœur… et nous en entendons plusieurs de même genre tous les jours.

17 h

Après un arrêt au bureau qui me permet de m’assurer que toutes les équipes sont bien rentrées, je finalise les derniers détails de nos visites du lendemain. Je retourne ensuite au petit hôtel où je loge et je me prépare pour les prières du soir. Je consulte mes courriels et réponds aux messages envoyés par l’équipe d’ici, au Niger, et aussi par mes collègues des quelque 90 pays où CARE est à l’œuvre.

L’iftar, le repas du soir qui marque la fin du jeûne quotidien du ramadan, est fait de plats que mes collègues de Diffa m’ont apportés. C’est important de partager la nourriture durant le ramadan. Mais le couvre-feu ici à Diffa m’empêche de sortir le soir pour l’iftar avec mes collègues. Chaque après-midi alors, elles m’apportent à manger avant la tombée du jour, que ce soit du porridge chaud ou le plat que je préfère – du kopto – une salade à feuilles agrémentée de pâte d’arachide, d’oignons, de sel et d’un zeste de citron. Je romps le jeûne après le coucher du soleil, vers 18 h 40.

20 h

Le jour tire à sa fin. J’ai encore un peu de travail à faire. L’heure est au calme. C’est donc le moment idéal pour terminer mes choses et organiser ma prochaine journée.

J’en profite aussi pour repenser à des personnes que j’ai rencontrées durant ma journée. Ce sont ces gens qui, jour après jour, me motivent par leur force et leur résilience – surtout des femmes et des filles. Certaines d’entre elles ont vécu une violence inouïe et des traumatismes ineffaçables. Et quand je leur parle, je vois parfois l’ombre d’un sourire dans leur visage. Elles n’ont rien, mais elles demeurent fortes malgré tout. Je tire ma détermination de ce qu’elles sont et font, ce qui me permet de contribuer à ma mesure aux efforts qui visent à les aider.


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