Laisser les femmes prendre leur place au Soudan du Sud

Joyce (name has been changed) rests outside the women-and-girl-friendly space in Mankien, South Sudan

Joyce (nom fictif) est une femme timide de presque 40 ans. À la fin de 2017, après la mort soudaine de son mari, elle a entrepris un chapitre difficile de sa vie.

« Mon mari a payé une dot pour moi, ce qui signifie que j’appartiens toujours à sa famille même s’il est mort, explique Joyce. Je dois demeurer dans le village et remplir mon rôle de veuve, c’est-à-dire prendre soin de la famille. »

Conformément à la coutume locale, et dès l’enterrement de son mari, Joyce a vu son beau-frère aîné être désigné pour veiller sur elle et ses trois enfants. Pour Joyce, cela a été un soulagement puisque ce beau-frère était reconnu comme un homme aisé dans la petite communauté du comté de Mayom.
« J’ai pensé que tout irait bien. Mais la nuit qui a suivi l’enterrement, mon beau-frère est entré dans ma chambre au milieu de la nuit, saoul, et il a menacé de me tuer si je ne partais pas. »
Les menaces se sont poursuivies durant des mois, jour après jour, plongeant Joyce dans une peur continuelle. Son beau-frère s’est obstiné à ne pas soutenir les enfants, ce qui les a obligés à abandonner l’école. Comme elle n’avait pas un sou à elle, Joyce n’a pu continuer de payer les frais de scolarité.

Les abus psychologiques se sont transformés en abus physiques. Joyce a compris que si elle ne quittait pas, elle mettrait sa vie à risque.

« Il s’est présenté à la maison et m’a frappée sans aucune raison. Il est ensuite venu dans ma chambre et a sorti un revolver pour me faire comprendre que je devais déguerpir », résume Joyce.

Un jour, alors qu’il n’y avait personne près d’elle, Joyce a réuni ses maigres affaires et a parcouru les 20 km qui la séparaient du foyer de ses parents, à Mankien. À son arrivée, elle était si épuisée qu’elle s’est effondrée dans le lit qui l’attendait.

Le matin suivant, elle a expliqué à ses oncles et à sa mère, qui est veuve, pourquoi elle avait dû quitter la maison familiale et pourquoi elle n’y remettrait jamais les pieds.

« Je m’attendais à leur soutien. Mais comme une dot avait été payée pour moi, ils m’ont suggéré de retourner chez moi et de trouver une solution à mon problème. »

C'est à ce moment que Joyce a entendu le voisin de sa mère parler d'un nouveau centre à Mankien, où les femmes victimes de violence avaient l’habitude de se rencontrer pour partager leurs expériences et obtenir une aide psychosociale. Quelques jours plus tard, Joyce a visité ce centre et a découvert qu'elle n'était pas la seule dans sa situation.

« J’ai été étonnée de voir toutes les femmes de ma communauté qui partageaient leurs expériences et bénéficiaient d’un si grand soutien, dit Joyce. J’ai aussi été surprise par la formation donnée par le centre pour autonomiser ces femmes dans divers champs de compétences. Je ne savais pas que les femmes pouvaient faire entendre leur voix pour contester les abus rencontrés dans la vie de tous les jours. »

Le centre où Joyce s’est rendue a été créé par CARE. Il vise à permettre aux femmes et aux filles à apprendre les nouvelles connaissances dont elles ont besoin pour gagner des revenus. Plus important encore, il se veut un endroit où elles peuvent partager leurs pensées, émotions et expériences à l’abri de tout jugement.

« J’ai appris à faire des perles pour des bijoux et j’espère les vendre afin de pouvoir me faire vivre, ajoute Joyce. Mes amies m’ont aussi offert leurs encouragements. Elles écoutent mes confidences et ont toujours de bons mots pour me remonter le moral. »

« Jusqu’à maintenant, je vais bien. Tout ce que je souhaite, c’est de pouvoir créer plus de perles pour avoir plus de revenus. Je veux retourner dans le village de mon mari afin de récupérer mes enfants et les ramener ici. »

« Nous avons observé un grand changement dans la façon dont les femmes et les filles considèrent les violences sexuelles et physiques à Mayom, souligne Patrick Vuonze, responsable du projet contre les violences sexistes pour CARE au Soudan du Sud. Les violences et les abus étaient autrefois culturellement acceptables. Mais aujourd’hui, les attitudes et les comportements ont changé. De nombreuses femmes se demandent pourquoi elles devraient encore endurer des souffrances. »

Présentement, CARE met en place trois autres centres destinés aux femmes et aux filles à Mankien.


CARE soutient des femmes et des filles qui ont été victimes d’abus et travaille à prévenir toutes les formes d’abus en changeant les normes culturelles dans les communautés où elle est présente.

Vous pouvez aider des millions de femmes de pays en développement à faire entendre leur voix.

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