Des migrants LGBTQ fuyant le Venezuela trouvent refuge au centre Dialogo Diverso

Dans un quartier résidentiel de la ville de Quito, en Équateur, une simple maison a été transformée en refuge. Des fleurs rouges et roses ornent l’entrée de cette résidence où le chien Miro accueille les visiteurs en remuant joyeusement la queue. Dialogo Diverso est un organisme communautaire offrant aux migrants LGBTQ et aux personnes réfugiées des conseils gratuits de même que des ateliers sur divers sujets, dont l’emploi et les droits des personnes LGBTQ. Le centre peut également diriger celles et ceux qu’il accueille vers d’autres organismes. À l’intérieur, les couleurs du drapeau arc-en-ciel contrastent avec les murs entièrement blancs. Depuis son ouverture en novembre dernier, le centre Dialogo Diverso a accueilli plus de 300 migrants vénézuéliens de la communauté LGBTQ.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, plus de neuf millions de Vénézuéliens sont touchés par la crise économique et humanitaire actuelle. De ce nombre, 3,7 millions ont quitté le pays. Des pays limitrophes comme l’Équateur ont été pris d’assaut par des vagues de migrants. Quelque 350 000 Vénézuéliens ont été enregistrés en Équateur, mais on estime que ce nombre est dans les faits beaucoup plus élevé et qu’il continuera d’augmenter.

Les militants soutiennent que les personnes LGBTQ ont été particulièrement marginalisées pendant la crise.

« Aucune donnée ne nous permet de comprendre la réalité des personnes LGBTQ et migrantes. Mais comme c’est déjà difficile de se définir comme migrant, nous pensons qu’une personne queer, migrante et séropositive serait d’autant plus marginalisée », affirme Danilo Manzano, directeur de Dialogo Diverso. En raison de cette absence de données, le centre collecte des renseignements sur les personnes qu’il accueille. Les responsables peuvent ainsi diriger ces personnes vers les ressources appropriées et utiliser leurs données pour tenter d’obtenir plus de soutien pour les migrants LGBTQ et les personnes réfugiées.

« Il est nécessaire d’assurer la sécurité des migrants LGBTQ », ajoute Danilo. Et c’est précisément l’objectif de l’organisme qu’il a créé.

Danilo a rassemblé toutes ses économies pour créer ce lieu inclusif. Avant de recevoir un financement ayant permis la rénovation d’autres pièces de la maison, qui sont maintenant utilisées pour la programmation, l’organisme menait la totalité de ses activités dans la cuisine. Cette résidence est le seul endroit où les migrants LGBTQ et les réfugiés de la ville de Quito peuvent tisser des liens d’amitié avec des personnes qui sont dans une situation semblable à la leur et développer un sentiment d’appartenance. Chaque vendredi, le centre reçoit la visite d’intervenants qui prennent connaissance des problèmes auxquels ces personnes se butent et tentent de trouver des solutions.

Dialogo Diverso offre également de la formation à divers organismes afin de les aider à mieux soutenir les migrants LGBTQ.

« Les responsables de ces organismes ne savent pas comment aborder les personnes LGBTQ. Ils peuvent faire de la discrimination à leur insu, ne serait-ce que par les termes qu’ils emploient », affirme Danilo.

Staff and others at Dialogo Diverso in Quito, Ecuador, are working to help LGBT migrants find safety. Photographed in April, 2019.

Bruno Martinez*, 21 ans, est un styliste professionnel originaire du Venezuela. Militant pour les droits de la personne et ceux de la communauté LGBTQ, il a été informé de l’existence du centre Dialogo Diverso par le bouche-à-oreille. Le jeune homme affirme que le centre lui a apporté un peu de réconfort lors d’une période sombre.

« J’ai vécu des moments très difficiles, affirme Bruno en parlant de son expérience en Équateur. Je pensais que j’allais y trouver la paix et me sentir en sécurité, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. »

Comme la plupart des habitants du Venezuela, Bruno a quitté le pays en raison de la crise économique, mais pas seulement. En tant que militant, il défendait ouvertement les droits des personnes LGBTQ et s’opposait au gouvernement, ce qui lui a valu des menaces de l’armée vénézuélienne.

« Les gens meurent de faim au Venezuela. Si je n’avais pas quitté le pays, je serais mort », affirme-t-il.

Devant subvenir aux besoins de sa famille, Bruno a donc quitté le Venezuela, laissant sa mère et ses quatre frères et sœurs derrière lui. Il s’est d’abord établi en Colombie, où il a cumulé les petits boulots de manière à amasser suffisamment d’argent pour poursuivre sa route vers l’Équateur, dans l’espoir d’y bâtir une vie meilleure.

Son périple s’est avéré parsemé d’embûches. À Tulcán, à la frontière entre l’Équateur et la Colombie, Bruno a été victime d’une agression sexuelle. Il craignait que son assaillant lui ait transmis le VIH, mais son test s’est révélé négatif.

Une fois rendu à Quito, Bruno a trouvé refuge dans un centre pour migrants vénézuéliens, où il a pu dormir dans un lit et prendre trois repas par jour. Mais son bonheur a été de courte durée, car il a une fois de plus été victime de violence de la part d’un membre du personnel, qui a exigé des faveurs sexuelles. Bruno a été agressé par deux autres hommes du refuge, qui ont menacé de l’attaquer physiquement.

Craignant pour sa vie, Bruno s’est enfui. Une personne responsable de la coordination des projets pour CARE l’a dirigé vers le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui lui a fourni une chambre d’hôtel et des repas pendant quelques jours, le temps qu’il se remette sur pied.

« Sans l’aide de CARE, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de l’Organisation internationale pour les migrations, je ne serais pas ici », affirme-t-il.

Bruno a dénoncé le centre et les agressions sexuelles qu’il a subies alors qu’il y résidait. Craignant que ses assaillants le retrouvent, il a néanmoins courageusement poursuivi ses activités militantes. Il soutient que l’anxiété et l’insécurité qu’il a vécues au Venezuela sont toujours bien présentes.

« Je ne m’attendais pas à vivre la même chose ici. »

Lorsqu’il le peut, Bruno prend des nouvelles de sa famille au Venezuela, mais c’est très difficile d’établir le contact en raison des pannes de courant.

« Ma mère dit qu’elle va bien, mais je sais que ce n’est pas le cas. Une mère ne peut pas dire à son fils qu’elle ne va pas bien, et vice versa », confie Bruno, qui s’est abstenu de parler à sa famille des nombreuses agressions dont il a été victime depuis qu’il a quitté le Venezuela et de son état dépressif.

« Je dis à ma mère que tout va bien, même lorsque je me retrouve étendu sur le sol, abattu. »

Comme de nombreux autres migrants LGBTQ, Bruno ignore s’il pourra trouver un domicile permanent où il sera pleinement accepté, ni même s’il pourra assurer sa survie.

« Je suis dans le néant. Je regarde autour de moi et je ne vois pas d’issue. »

Dans le cadre des nombreux emplois qu’il a occupés, Bruno a été victime de xénophobie, d’homophobie et d’exploitation. Danilo affirme que cette situation est très fréquente chez les migrants LGBTQ et les réfugiés.

« En théorie, nos lois condamnent pareils gestes. Dans la pratique, c’est autre chose », explique Danilo.

En Équateur, les personnes LGBTQ sont protégées par une loi spéciale qui condamne les crimes haineux, y compris les crimes sexuels. Cependant, en 2016, une étude menée par divers organismes équatoriens de défense des droits de la personne a révélé que les lois nationales sur l’égalité, qui condamnent la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, ne sont pas appliquées. Bien que divers organismes offrent des services à l’ensemble des personnes migrantes, les migrants LGBTQ sont souvent négligés, selon Danilo, ce qui renforce sa volonté de poursuivre son travail.

« C’était très important pour nous de montrer aux organisations que nous sommes là et que nous avons besoin de plus de soutien, vu la particularité de notre mission. »

*Nom fictif