COVID-19 et rentrée scolaire : l’école offre bien plus que des occasions d’apprentissage

Par Jessie Thomson, vice-présidente, Partenariats pour le changement mondial de CARE Canada

Lire des livres, mémoriser des dates, déchiffrer des théories parfois abstraites… l’école, c’est un peu ça, mais c’est tellement plus encore. L’école, c’est l’endroit où nous tissons des liens d’amitié, développons un sentiment d’appartenance envers notre communauté et définissons la personne que nous souhaitons devenir.

Mais cette année, le retour à l’école n’est pas accueilli avec le même enthousiasme que les années précédentes. Le magasinage des fournitures scolaires, qui constituait pour certaines familles une sorte de pèlerinage annuel, sera effectué en ligne, devant un écran d’ordinateur. Les parents n’iront pas déposer leurs enfants à l’école et n’immortaliseront pas les retrouvailles entre enseignants et élèves en brandissant leur appareil photo – ou ce qui en fait office. Au lieu de cela, les élèves enfileront des couvre-visage agencés à leurs vêtements et prendront place derrière des pupitres placés à bonne distance les uns des autres et possiblement séparés par des écrans de plexiglas. Certains pourraient même ne jamais revenir dans une classe traditionnelle.

Ma fille fréquente la maternelle, alors je vous laisse imaginer l’inquiétude qui nous ronge et qui gagne en intensité à mesure que nous voyons s’approcher la date du grand retour en classe. Si vous avez déjà fréquenté une classe de maternelle, vous savez sans doute que tous ces bouts de chou qui butinent d’une activité à l’autre rendent pratiquement impossible le respect de la distanciation physique.

Malgré cela, ma fille est impatiente de retourner à l’école, et je dois avouer que j’ai hâte, moi aussi. Comme nous avons pu le constater, lorsque les enfants d’ici et d’ailleurs ne peuvent aller à l’école, les pertes subies vont bien au-delà des occasions d’apprentissage ratées.

Après la fermeture des écoles le printemps dernier, j’ai essayé de motiver ma fille à poursuivre ses apprentissages, mais le cœur n’y était pas. Tout le plaisir qu’elle associait au fait d’acquérir de nouvelles connaissances s’était évaporé, et la moindre activité éducative prenait des allures de corvée. Je constate que le retour à l’école est essentiel au bien-être de ma fille. D’une nature sociale, elle a besoin d’être entourée d’autres enfants, comme c’est le cas des petits garçons et des petites filles de partout dans le monde. Heureusement, au Canada, nous pouvons compter sur de solides filets de sécurité sociale.

Bien qu’imparfaits, nos systèmes publics d’éducation et de santé sont bien ficelés. Notre gouvernement injecte des sommes additionnelles afin de permettre aux établissements scolaires de suivre les recommandations de la santé publique. Au Canada, en adoptant des mesures préventives, en collaborant avec les autorités sanitaires et en retraçant celles et ceux qui ont été en contact avec des personnes infectées, le gouvernement est en mesure de repérer rapidement les foyers d’éclosion et d’apporter les ajustements nécessaires.

Mais dans plusieurs des pays où CARE réalise des interventions, la situation est bien différente.

Le directeur national de CARE Malawi, Amos Zaindi, nous a confié que les enfants malawiens ne retourneront pas à l’école avant le mois de janvier, dans le meilleur scénario. Les gens sont angoissés à l’idée d’un déconfinement dans le contexte actuel, en raison du manque de ressources humaines et financières pour protéger les élèves et les enseignants contre le virus. Mais les conséquences d’une fermeture prolongée des écoles seraient encore plus préoccupantes.

La fermeture des écoles creuse les inégalités qui existaient bien avant la pandémie, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde. Pour de nombreux enfants, l’école est un milieu sécuritaire où ils se sentent protégés des assauts du monde extérieur et de la violence dont ils peuvent être témoins ou victimes à la maison. En plus de fournir aux enfants des repas nutritifs, l’école favorise les interactions sociales et permet aux jeunes de tisser des liens d’amitié et de définir leurs aspirations – des éléments essentiels pour tous.

Dans les pays où CARE réalise des interventions, plusieurs jeunes filles risquent de perdre le formidable élan qui leur avait été donné grâce à l’éducation et qui leur permettait de poursuivre leurs rêves. Si elles tombent enceintes, se marient prématurément sous la contrainte ou intègrent le marché du travail pour subvenir aux besoins de leurs familles en raison de la crise économique, elles ne retourneront possiblement jamais sur les bancs d’école.

Je tiens à remercier ceux et celles qui veillent à ce que les enfants de partout dans le monde soient heureux et en santé et qu’ils puissent développer leur plein potentiel. N’est-ce pas ce que nous voulons tous pour nos enfants et les leaders de demain?

Jessie Thomson

Vice-présidente, Partenariats pour le changement mondial de CARE Canada

Aux quatre coins du globe, CARE encourage les jeunes filles à fréquenter l’école et à poursuivre leurs études, tente de prévenir les cas de violence fondée sur le genre et sensibilise les familles et les communautés à l’importance de permettre aux jeunes filles d’accéder à une éducation de qualité, puisque cette mesure bénéficie à l’ensemble de la communauté.

À titre d’exemple, plus tôt cette année, le programme Soutenir la transition, la rétention et la formation des jeunes femmes et des jeunes filles de CARE a été lancé au Zimbabwe. Les personnes à l’origine de ce projet soutenu par le gouvernement du Canada collaboreront avec les femmes et les jeunes filles, leurs communautés et les leaders religieux et traditionnels afin de faire valoir les avantages associés à la reprise des études. Le programme vise également à permettre à celles qui ont abandonné leurs études après s’être mariées ou avoir donné naissance à un enfant, par exemple, d’accéder à la formation professionnelle.

Puis, la pandémie a frappé.

Le monde entier a dû s’adapter à une nouvelle réalité. Tout comme les communautés de partout au Canada, nous avons dû faire preuve de créativité et apprivoiser les outils technologiques nous permettant d’assurer la poursuite de notre mission, . Nous remuons ciel et terre pour que les enfants puissent continuer de s’instruire alors que les écoles sont fermées. Au Kenya, , tandis qu’en Sierra Leone, on évalue la possibilité de mettre à la disposition des communautés rurales des outils d’apprentissage numériques.

Comme mes collègues l’ont maintes fois répété, les apprenants – et surtout les apprenantes – qui s’instruisent à distance seront vraisemblablement plus enclins à retourner à l’école lorsque les établissements scolaires rouvriront leurs portes. Mais nous savons que cette solution est loin d’être parfaite.

Les parents ne peuvent se substituer aux enseignants, et la maison ne peut faire office de salle de classe. Il serait utopique de penser que l’enseignement à distance viendra effacer comme par magie les difficultés auxquelles de nombreux enfants sont confrontés. Celles et ceux qui s’acharnent à trouver des solutions ne manquent pas de créativité, comme nous avons pu le constater. Mais en tant que parent et spécialiste du développement international et de l’aide humanitaire, je constate l’étendue des dommages causés par la fermeture des écoles, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde, et je suis préoccupée par le fait que ces répercussions pourraient se faire sentir à long terme.

De nombreuses ressources sont nécessaires à la mise en place des mesures préventives que nous devons adopter pour freiner la propagation du virus. Si le gouvernement canadien peine à mettre en place ces mesures, je me demande comment les pays qui n’ont pas accès aux systèmes et aux ressources humaines et financières dont nous disposons pourront y parvenir.

Malgré l’incertitude qui règne et les risques auxquels plusieurs d’entre nous seront exposés, je demeure confiante en la capacité de notre système de santé publique de gérer la situation. Les parents et les enfants malawiens, qui n’ont pas pu se soumettre aux tests de détection de la COVID-19 pendant trois semaines, ne peuvent en dire autant.

Ce constat me remplit de gratitude. Je sais que malgré les défis qui l’attendent, ma fille pourra continuer de s’instruire. Elle a accès à toutes les ressources dont elle a besoin pour réaliser ses rêves. Et même si les jeunes filles qui habitent dans des pays comme le Malawi n’ont pas cette chance, je sais que mes collègues de CARE, les nombreux bénévoles actifs au sein des communautés, nos partenaires locaux ainsi que les parents de ces enfants, même à l’autre bout du monde, font tout leur possible pour favoriser l’accès à l’éducation dans le contexte actuel. Je tiens à remercier ceux et celles qui veillent à ce que les enfants de partout dans le monde soient heureux et en santé et qu’ils puissent développer leur plein potentiel. N’est-ce pas ce que nous voulons tous pour nos enfants et les leaders de demain?