« Je peux aider les femmes à faire entendre leur voix » : l’histoire d’Halatu

Halatu Benjamin a fui les violences au Soudan du Sud avec ses cinq enfants et ses deux nièces. Depuis mars 2018, elle vit dans le camp de réfugiés d’Omugo, dans le nord de l’Ouganda. En dépit du traumatisme, Halatu est parvenue à trouver un solide esprit de solidarité et un sens à sa vie au sein de son groupe de femmes.

Ce groupe épargne de l’argent et aide ses membres à créer de petites entreprises. Mais peut-être plus important encore, il a pris conscience de sa capacité collective à améliorer la vie de la communauté. Pour sa part, Halatu a découvert la leader qui sommeillait en elle. Elle a par exemple créé des espaces sûrs pour les femmes du camp et organisé un boycottage afin d’obliger les organismes humanitaires à se pencher sur les problèmes soulevés par le groupe. Elle assume aussi des fonctions au sein du Conseil pour le bien-être des réfugiés, où elle peut aider d’autres femmes à faire entendre leur voix.

La COVID-19 est encore venue compliquer la donne. La ration alimentaire d’Halatu a diminué, les écoles ont fermé et les sept enfants se sont retrouvés à la maison. Pour couronner le tout, les restrictions de déplacement ont pratiquement réduit à néant les activités d’épargne et de commerce de son groupe.

Concerned that women had to trek nearly 10km to the nearest food distribution point, Halatu, a South Sudanese refugee and her women's group in the Omugo refugee settlement in Uganda, helped to organise a peaceful boycott to successfully advocate for the food distribution point to be moved closer to the community. Halatu's work hasn't stopped there. Photo: Ekinu Robert

Halatu Benjamin dans le camp d’Omugo, dans le nord de l’Ouganda. Toutes les photos ont été fournies par CARE Ouganda.

Consciente de l’importance de la solidarité féminine, elle explique : « J’ai cherché d’autres femmes. Comme la plupart d’entre elles n’avaient pas de mari, je leur ai dit qu’il fallait former un groupe pour pouvoir s’épauler et s’apporter un soutien émotionnel. » De là est né un groupe d’épargne comptant 26 membres, puis une entreprise collective qui achète des arachides et les revend aux autres réfugiés sous forme de pâte à un prix abordable.

« C’est plus facile quand une femme tient les commandes, parce qu’elle comprend mieux les problèmes auxquels sont confrontées les autres femmes et qu’elle est même capable de les soulever la première. »

Halatu Benjamin

Le groupe a notamment décidé de s’attaquer au problème concernant l’éloignement du point de distribution alimentaire. Il se trouvait en effet à plus de 10 km du village d’Halatu et assurait le service de cinq villages différents. Les femmes devaient donc se lever très tôt le matin afin de pouvoir s’y rendre.

Durant ce long trajet, les femmes étaient la cible potentielle de violences sexistes. Sans compter qu’une fois à bon port, il pouvait leur arriver d’attendre toute la journée sans recevoir de nourriture. Et le cauchemar recommençait le lendemain.

Elles se sont alors entretenues avec le président du Conseil pour le bien-être des réfugiés. Elles ont aussi écrit au HCR (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés) et à la police pour leur signaler que des femmes avaient été violées durant ce long trajet et qu’il fallait faire quelque chose. Halatu a même rencontré le commandant du camp et le représentant du Cabinet du premier ministre. En vain. À ce stade, la coupe était pleine.

Halatu et son groupe de femmes ont alors travaillé avec certains hommes respectés de la communauté pour organiser un boycottage pacifique du point de distribution alimentaire. S’il le fallait, les femmes étaient même prêtes à faire une grève de la faim. Mais leur action collective a porté ses fruits et le point de distribution a finalement été déplacé plus près de leur village.

Concerned that women had to trek nearly 10km to the nearest food distribution point, Halatu, a South Sudanese refugee and her women's group in the Omugo refugee settlement in Uganda, helped to organise a peaceful boycott to successfully advocate for the food distribution point to be moved closer to the community. Halatu's work hasn't stopped there. Photo: Ekinu Robert

Halatu Benjamin et son groupe de femmes. Toutes les photos ont été fournies par CARE Ouganda.

En outre, les membres mentorent deux autres groupes de femmes à Omugo. Durant la pandémie, elles ont aussi participé à sensibiliser les autres réfugiés au port du masque, au lavage des mains et au respect de la distanciation physique. Aujourd’hui, il est même question de monter un atelier de fabrication de savon – une activité secondaire qui pourra bénéficier à l’ensemble de la communauté.

En ces temps incertains, le leadership de femmes comme Halatu est indéniablement porteur d’espoir.


About CARE’s Women Lead in Emergencies program

Destiné aux humanitaires de première ligne, le programme « Women Lead in Emergencies » est le premier outil pratique qui aide les femmes à prendre les devants dans la gestion des crises qui les concernent, elles et leur entourage. Cette approche permet de mettre les décisions – et l’argent – directement entre les mains des femmes touchées par une crise. CARE et ses partenaires accompagnent les groupes de femmes et les aident à prendre conscience de leurs droits, à renforcer leur confiance et leur esprit de solidarité, et à entreprendre des actions collectives pour améliorer leur vie et celle de leur communauté. Cliquez ici pour en savoir plus [seulement en anglais].

La réponse humanitaire de CARE à Omugo est généreusement soutenue par le gouvernement du Canada depuis 2017. Ce travail comprend l’aide aux réfugiés et aux membres de la communauté d’accueil en matière de santé sexuelle, reproductive et maternelle, la prévention de la violence basée sur le genre (VBG) et les activités de Women Lead in Emergencies.