MONTRER LA VOIE EN MATIÈRE D’ÉGALITÉ DES SEXES : L’HISTOIRE D’HEVELINE

David Mutua/CARE

PLUSIEURS TRIBUS ET COMMUNAUTÉS DE RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) CROIENT ENCORE QUE LE POUVOIR ADMINISTRATIF REVIENT AUX HOMMES. DES DÉBATS ENFLAMMÉS FONT RAGE À CE SUJET, ET BEAUCOUP SONT D’AVIS QUE LE POUVOIR DEVRAIT ÊTRE PASSÉ DE PÈRE EN FILS. PAR CONSÉQUENT, L’IDÉE QUE LES FEMMES NE PEUVENT ET NE DOIVENT PAS ÊTRE DES LEADERS EST TRÈS RÉPANDUE.

C’est ici qu’entre en scène Heveline Mapfumo, fille d’un ancien Mwami (chef).

Peu après la mort de son père, il y a plusieurs années, un conseil des sages a nommé Heveline chef de Masisi, le village où elle a grandi. Comme elle était mineure à l’époque, c’est à son oncle qu’on a confié sa tutelle, à la condition qu’il lui cède le pouvoir lorsqu’elle aurait 18 ans. Or ce n’est pas ce qui est arrivé.

« Le jour de mes 18 ans, j’étais heureuse, car j’allais pouvoir assumer le rôle que mon père et les autres chefs m’avaient confié, se rappelle Heveline, mais mon oncle a refusé de me céder le rôle qui me revenait. J’ai voulu défendre mon droit, et c’est alors que les menaces de mort ont commencé. Craignant pour ma vie, j’ai abandonné mes études en septembre 2020 et j’ai fui mon village avec mes enfants pour me réfugier ici [quartier Ndosho, à Goma] chez ma grand-mère. »

C’est sa quête active du leadership qui a causé le conflit, et ce, même si c’était le désir de son père qu’elle devienne chef et même si elle avait été nommée par le conseil des sages.

Faire Valoir Ses Droits 

Malgré ce revers, Heveline n’a jamais abandonné la bataille pour assumer ce rôle qui lui revenait de droit. En sécurité chez sa grand-mère, Heveline s’est rendue au bureau du ministère des Affaires coutumières pour porter plainte.

Après avoir accepté la plainte, les autorités ministérielles ont fait appel aux chefs coutumiers, à la famille royale dans son ensemble et aux sages du village. C’est ici que sont intervenus André Mirimo, un représentant du Ministère, et CARE.

« CARE nous a aidés, et nous nous sommes rendus à Masisi pour analyser la situation, car nous avons d’autres dossiers concernant des femmes dont les droits ont été bafoués », explique-t-il.

Parallèlement à ses fonctions officielles, André Mirimo est membre du programme MenEngage auquel participent des autorités traditionnelles, des chefs religieux et des leaders communautaires. Le programme vise à sensibiliser les hommes pour qu’ils veillent à ce que les droits des femmes et les lois les concernant soient respectés dans leur communauté.

« Nous voulons amener les hommes à voir les femmes comme des alliées et non des rivales, souligne Sylvia Wendo, gestionnaire de projets par intérim, Programme pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, CARE RDC. Sur le plan structurel, nous travaillons surtout avec les autorités, car ce sont vers elles que les femmes doivent se tourner pour porter plainte. »

Heveline et sa grand-mère. David Mutua/CARE Heveline et sa grand-mère. David Mutua/CARE

UN TRAVAIL QUI NE FAIT QUE COMMENCER

Après une procédure d’arbitrage, Heveline a reçu une décision en sa faveur, et personne n’a fait appel de la décision dans le délai imparti de 30 jours. Après sept ans, Heveline peut enfin assumer le rôle qui lui revient.

Elle sait déjà à quels enjeux elle veut s’attaquer.

« Nos routes sont en bien piètre état. Et il y a l’éducation. Les conflits incessants empêchent les enfants de fréquenter l’école. L’insécurité est l’un des graves problèmes qui affectent les habitants de mon village et sur lequel je dois me pencher de toute urgence. Les gens ne peuvent se rendre à leur ferme et n’ont donc pas accès à de la nourriture. C’est d’une grande tristesse. »

Loin de vouloir rester une exception à la règle, Heveline invite les femmes et les jeunes filles à poursuivre leurs études et à unir leurs forces pour développer leurs communautés.

« À celles qui estiment que leurs droits ont été bafoués, surmontez votre peur et battez-vous pour vos droits. »