ZIMBABWE : DANS LE DISTRICT DE BUHERA, LES JEUNES FILLES NE MANQUENT PLUS L’ÉCOLE PENDANT LEURS RÈGLES

All photos: Pauline Hurungudo/CARE

Au Zimbabwe, dans le district de Buhera, les statistiques montrent que les garçons sont plus assidus à l’école que les filles. Mais quelle réalité concrète se cache derrière les chiffres?

En fait, les adolescentes manquent souvent l’école durant leur cycle menstruel. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), près d’une jeune fille africaine sur dix en âge d’être scolarisée ne va pas en classe pendant ses règles ou a abandonné l’école à la puberté, faute de protections périodiques adaptées et d’installations sanitaires séparées dans les établissements.

Dans le district de Buhera, les adolescentes ont du mal à gérer convenablement leur hygiène menstruelle à l’école, car elles ne disposent souvent pas des connaissances et des produits nécessaires pour y arriver.

Âgée de 17 ans, Jennifer est élève à l’école secondaire de Mabvuragudo. Elle explique que les jeunes filles éprouvent à l’égard des règles un sentiment diffus, à la fois teinté de peur, de honte et de culpabilité.

« Les adolescentes de notre établissement vivaient mal la période des règles. La plupart d’entre elles n’avaient pas d’[articles] d’hygiène menstruelle. Il était donc fréquent que certaines manquent l’école pendant une semaine ou plus. Beaucoup d’élèves […] utilisaient des pièces de tissu en guise de protection périodique, ce qui s’avérait extrêmement inconfortable. Un jour, une camarade a même perdu devant toute la classe sa serviette hygiénique improvisée. Elle était morte de honte. C’est pour éviter ce genre de situation que de nombreuses jeunes filles préféraient rester chez elles pendant leurs règles », confie-t-elle.

L’utilisation d’une pièce de tissu en guise de protection périodique exposait souvent les jeunes filles aux remarques humiliantes des garçons. Mais la plupart d’entre elles n’avaient pas les moyens d’acheter les produits adéquats. D’autres encore n’avaient jamais utilisé d’articles d’hygiène menstruelle.

De plus, beaucoup de parents et de tuteurs ne comprenaient pas l’importance d’envoyer leurs filles à l’école, ce qui contribuait à aggraver encore la situation. En effet, la prédominance de certaines croyances religieuses et normes culturelles empêchait l’éveil des consciences.

Jennifer raconte que le manque de moyens matériels et financiers l’a contrainte à faire des pauses dans sa scolarité et à jeûner. Certaines de ses camarades ont même dû définitivement quitter les bancs de l’école.

Grâce au soutien financier de la Banque mondiale et au partenariat qui a été noué avec elle, CARE a pu diriger le projet Social Protection and WASH Interventions to Keep Adolescent Girls in Schools in Zimbabwe [Plan de protection sociale et initiative WASH en faveur de la scolarisation des jeunes filles au Zimbabwe]. Il est un bon complément au programme Basic Education Assistance Module [Module d’assistance à l’enseignement de base ou BEAM], mis en place par le gouvernement du Zimbabwe. Ce plan assure la prise en charge des frais de scolarité des élèves en situation de vulnérabilité au sein des écoles primaires et secondaires du pays.

« Malgré l’aide dont j’ai bénéficié dans le cadre du programme gouvernemental BEAM, ma famille a dû se battre pour [que nous] ayons suffisamment de nourriture, d’uniformes et de fournitures scolaires. Dans ces conditions, il était difficile de se concentrer à l’école », révèle Jennifer.

Elle poursuit : « Aujourd’hui, les choses ont changé. CARE nous fournit des [articles] d’hygiène menstruelle et une aide financière. J’ai reçu 9 pantalons, 26 paquets de serviettes hygiéniques et 10 pains de savon. J’ai même pu en donner à ma sœur. J’ai désormais des livres et un vrai uniforme, et ma famille a les moyens de nous nourrir. Toutes ces avancées m’ont permis de renforcer ma confiance en moi, et je n’ai plus aucune gêne à me retrouver parmi mes camarades. En fait, nous sommes plusieurs à pouvoir maintenant aller à l’école de façon régulière, grâce à l’aide nouvelle que nous procurent nos parents. »

Girl smiling towards the camera in a field

Les statistiques montrent que l’insécurité alimentaire constitue l’une des principales causes des mariages précoces et forcés et de l’absentéisme scolaire chez les adolescentes.

Letwin est enseignante et conseillère à l’école secondaire de Mabvuragudo. Cette professionnelle, qui a reçu une formation en orientation et assistance pédagogiques, affirme avoir constaté de nets changements sur le terrain.

« Auparavant, notre établissement enregistrait un fort taux d’absentéisme et de mauvais résultats scolaires, principalement chez les filles. Les parents n’avaient pas conscience de l’importance de l’éducation, et la pauvreté n’arrangeait rien à la situation », témoigne-t-elle.

« Les enfants n’arrêtaient pas de se chamailler à l’école, et l’éducation était prise très à la légère en raison de croyances traditionnelles bien ancrées parmi la communauté. En effet, certaines pratiques culturelles, comme le Kuzvarira (soit une promesse de donner les fillettes à la naissance, par exemple pour les marier), nuisent à l’instruction des jeunes filles. Mais les efforts de sensibilisation et d’éducation ont contribué à faire naître une véritable cohésion entre les enfants. Par ailleurs, la distribution d’articles d’hygiène menstruelle aux élèves et d’une aide financière à leurs parents a permis aux jeunes filles de renforcer leur confiance en elles et d’améliorer leurs [relations sociales]. Plus aucune adolescente ne doit aujourd’hui manquer l’école ou même rentrer chez elle pendant ses règles. Grâce au projet, nous mettons effectivement à la disposition des jeunes filles quelques produits de base, comme des protections périodiques, des couvertures, des médicaments, du savon, des serviettes et autres », précise Letwin.

Letwin anime aussi des séances hebdomadaires visant à informer et à conseiller les élèves sur les problématiques liées à l’égalité des genres, à la santé sexuelle et reproductive, à la protection de l’enfance et à l’hygiène menstruelle.

CARE distribue tous les mois des bons d’achat et des produits non alimentaires, tels que des articles d’hygiène menstruelle, du savon, des sous-vêtements et des serviettes. Parallèlement, nous organisons des séances d’information avec les chefs de famille pour aider à briser les normes sociales liées au genre.

Le projet a également permis la création d’associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC), qui aident les parents à se lancer dans des activités plus rémunératrices et donc à laisser leurs enfants à l’école. Des centres communautaires spécialisés dans l’hygiène menstruelle ont par ailleurs été mis en place pour que les adolescentes et les femmes continuent à avoir aisément accès à des protections périodiques réutilisables et abordables, même après la fin du projet. Dans le cadre de cette initiative, six centres ont d’ores et déjà vu le jour au sein de six établissements scolaires.

GRÂCE À VOTRE GÉNÉROSITÉ, NOUS POURRONS MIEUX INFORMER LA POPULATION ET OFFRIR AUX JEUNES FILLES LES MOYENS DE RESTER EN BONNE SANTÉ ET D’ALLER À L’ÉCOLE.