L’HISTOIRE DE SOA : DES AFFRES D’UNE ENFANCE TRAUMATISÉE AUX ESPÉRANCES DE L’APPRENTISSAGE

Crédit photos : CARE Madagascar

REGARDS CROISÉS DE JEUNES FEMMES SUR LA VIE À MADAGASCAR

 

À Madagascar, CARE a mis sur pied une collaboration avec Nofy Nandrianina Noelisoa Rajernerson, photographe professionnelle enseignant au centre résidentiel de réadaptation Akany Avoko Faravohitra (en anglais). Cet établissement offre aux jeunes filles une seconde chance, un espace de vie sécuritaire, des aptitudes fondamentales, et un soutien adéquat afin de leur permettre de surmonter les traumatismes du passé.

Nofy a demandé à trois de ses élèves* de documenter leur vie au centre, tout en racontant leur histoire.

Avertissement : ces témoignages évoquent des épisodes de violence, de deuil, de maltraitance infantile et de viol.

* Les prénoms de ces jeunes filles ont été modifiés.

Group of children holding up a trophy

« Je vivais à Antananarivo dans une extrême pauvreté, avec mes parents, mon frère et ma sœur. Ma mère et mon père ont abandonné très tôt l’école, et c’est l’agriculture qui leur permettait de subvenir aux besoins de la famille. Afin d’arrondir les fins de mois difficiles, mon père allait ramasser du bois dans la forêt pour en faire du charbon, et ma mère s’occupait de la lessive d’autres familles. Après l’école, mon frère et moi aidions mon père à transporter le bois. Ma petite sœur, elle, restait seule à dormir sous un arbre pendant que chacun vaquait à ses tâches.

À mes 10 ans, nous avons déménagé à Tamatave. Mon père s’est alors vu proposer un emploi d’agriculteur et notre vie a pris un nouveau départ. Nous avons pu acheter une télévision. J’ai obtenu mon diplôme d’études primaires. Mon père m’a même offert un vélo.

Je n’aime pas vraiment parler de l’épisode qui va suivre, car c’est chaque fois une blessure qui se rouvre… Lorsque j’avais 14 ans, un frère de ma mère est venu vivre chez nous. Le courant passait bien, mais il a fini par me faire des avances. Au début, j’ai résisté, puis il m’a embobinée pour avoir une relation. Au bout d’un mois environ, mon jeune frère a compris ce qui se tramait, et mes parents n’ont pas tardé à le découvrir à leur tour. Ils sont entrés dans une colère noire et ont mis mon oncle à la porte.

C’est là que je suis tombée malade. Je sombrais dans des crises de délire et ne supportais plus de vivre à la maison. Je suis restée dans cet état pendant trois mois. Les gens ont commencé à dire que j’étais ensorcelée. On m’a finalement convaincue d’intégrer le centre Avoko. J’ai accepté, car je ne pouvais plus supporter d’habiter chez moi.

À mon arrivée, je n’étais pas très à l’aise. Il a en effet fallu que j’apprenne à vivre avec autant d’enfants. J’avais d’ailleurs de gros problèmes de comportement durant le premier mois. Je lançais des chaussures et je ne fermais pas l’œil de la nuit. Certains prétendaient même que j’étais possédée.

Un jour, tante Hanta m’a dit : “Ma fille, tu dois baisser la garde. Cet endroit est une chance pour toi. Ici, tu peux étudier et te bâtir un avenir meilleur. Nous nous tenons à tes côtés pour te conseiller.” Ces mots ont véritablement résonné en moi. Le personnel du centre s’st montré attentionné et m’a guidée.

Depuis, mon comportement a changé et tante Hanta dit que je suis sage. Je me concentre sur mes études et réussis toujours mes examens. Ça fait maintenant deux ans que je vis au centre. J’ai pu par exemple suivre des cours d’anglais, d’artisanat et d’informatique, et j’apprends aujourd’hui la photographie. Ces temps-ci, je suis d’ailleurs l’une des meilleures élèves!

Quand j’y pense, je me dis que ma vie n’aurait jamais pris cette tournure si j’étais restée à la campagne. Je n’aurais pas eu l’espoir de concrétiser mes rêves, et j’aurais sans doute arrêté mes études.

Mon ambition désormais, c’est de devenir ingénieure agricole, de construire une maison à Tamatave et de rendre mes parents heureux. Beaucoup de spécialistes en génie agricole ont visité le centre, et j’aimerais avoir le même métier. Moi aussi, j’adore les animaux et la culture des plantes. »

AIDEZ SOA ET D’AUTRES JEUNES FILLES EXCEPTIONNELLES À FAIRE BOUGER LES CHOSES AU SEIN DE LEUR COMMUNAUTÉ.