La glorification du multitâche chez les entrepreneuses doit cesser

Une nouvelle étude de CARE révèle la ténacité des stéréotypes liés aux rôles des hommes et des femmes, leur application dans la vie réelle et les obstacles qu’ils sèment sur la route des entrepreneuses. Et ce ne sont pas seulement les hommes qui attendent beaucoup des femmes, mais aussi les femmes qui attendent beaucoup d’elles-mêmes et de leurs consœurs.

Fait plus alarmant encore, révèle l’étude, les entrepreneuses qui réussissent voient parfois leurs efforts sabotés par les hommes de leur famille, quand elles ne sont pas carrément victimes de violence ou de harcèlement sexuel.

Les stéréotypes liés au genre sont partout. Les femmes doivent assumer la majeure partie de l’éducation des enfants, dit une croyance profondément ancrée dans toutes les régions du monde. Elles ont la capacité d’accomplir des tâches multiples, dit une autre croyance glorifiée, voire mise sur un piédestal, tant par les hommes que par les femmes.

La capacité d’une femme à diriger son entreprise, à prendre soin des enfants, à s’occuper du ménage et à vaquer entre-temps à une foule d’autres activités est généralement vue comme une source de fierté.

Or, cette nouvelle étude menée au Pakistan, au Pérou et au Vietnam révèle que plus que jamais, on s’attend à ce que la femme soit responsable de l’éducation des enfants, et l’homme, le principal pourvoyeur de la famille. Dans le cadre du programme Ignite, CARE aide les femmes à assurer la croissance de leur entreprise grâce à un meilleur accès à des ressources financières et numériques. Ensemble, nous prenons des mesures pour renverser certaines croyances néfastes et les comportements qui les accompagnent et qui mettent un frein aux activités professionnelles des femmes.

A woman stands with her arms crossed as others behind her sew
Shadab Khan, une femme d’affaires pakistanaise, devant son atelier. Première entrepreneuse de sa famille, elle a faire fi de beaucoup de scepticisme et de critiques. Fawad Aslam/CARE

Principales constatations

Croyance : les femmes doivent s’occuper des enfants.

  • Au Vietnam, 80 % des hommes et 60 % des femmes conviennent que c’est à la femme qu’il revient de s’occuper des enfants, et ce, même si elle gère une entreprise.
  • Au Pérou, 80 % des femmes interrogées se disent cantonnées à la vie domestique par les traditions ainsi que les pressions familiales et sociales.
  • Au Pakistan, les répondantes affirment qu’assumer l’éducation des enfants est l’un des plus grands défis qu’elles ont à relever.

Croyance : les hommes doivent être les principaux pourvoyeurs de la famille.

  • Au Pakistan, les femmes essuient des critiques si elles gagnent davantage que leur mari : 76 % des répondantes ont l’impression que si une entrepreneuse touche des revenus supérieurs à ceux de son conjoint, elle s’expose à la désapprobation de son entourage, tout particulièrement des membres de sa famille.
  • Au Pérou, 40 % des femmes sont d’avis que le chef de famille doit être un homme.
  • Au Vietnam, cette croyance est adoptée par 76,7 % des personnes de 51 ans ou plus, mais seulement par 36,7 % des personnes de 26 à 50 ans. La jeune génération semble donc plus ouverte d’esprit et prête à bousculer les stéréotypes.

Les conséquences de la réussite

Au Pakistan, les femmes affirment que si elles gagnent davantage que les hommes de leur famille, elles sont accablées de tâches domestiques et forcées de réduire, voire d’abandonner leurs activités professionnelles.

Les entrepreneuses qui quittent la maison pour aller travailler sans être accompagnées d’un homme de la famille sont considérées comme moins vertueuses que les autres et peuvent être victimes de harcèlement ou de demandes de faveurs sexuelles en échange de travail.

Au Pérou, toutes les entrepreneuses interrogées ont vu ou entendu parler d’un cas de violence dans leur cercle d’amis, leur famille ou leur quartier.

Solutions

Grâce à des campagnes de grande envergure sur les médias sociaux, jumelées à des ateliers en personne, on commence à voir de petits changements poindre à l’horizon. Des campagnes médiatiques diffusées dans les trois pays, qui présentent des modèles de rôle féminins et masculins, ont mené à un partage des responsabilités au sein du foyer et normalisé la hausse du nombre d’entrepreneuses ainsi que leur réussite. Et par bonheur, ces campagnes suscitent un respect généralisé envers celles-ci.

La Vietnamienne Nguyen Thi Thu est à la tête d’un réseau d’agriculture biologique, en plus de diriger sa propre entreprise agroalimentaire. Elle a assisté à un Jour de la famille organisé par CARE, un événement qui encourage le partage des responsabilités et la participation accrue des maris et des enfants à la réussite des femmes.

« J’ai connu des temps difficiles en l’absence de soutien de la part de mon mari. Nous tentons maintenant de trouver un nouvel équilibre. Je constate un changement majeur chez lui depuis que nous avons assisté au Jour de la famille. Ce jour-là, il a reconnu pour la première fois mon travail et ma contribution à la société et à la communauté. Depuis, il m’aide réellement à m’occuper de la maison et des enfants. Il cuisine et fait le ménage, il est absolument merveilleux! Je peux maintenant faire plus de déplacements dans le cadre de mon travail. »

En cernant les obstacles qui freinent les entrepreneuses, puis en collaborant étroitement avec des partenaires locaux pour les éliminer, CARE ouvre la voie à de nouvelles possibilités pour les femmes qui souhaitent développer leur entreprise.

Jusqu’à présent, les interventions se sont concentrées sur les produits et services, sans qu’on sache vraiment ce qui empêche les femmes d’y avoir accès ou de les utiliser. Très peu d’organismes dans ce secteur s’attaquent aux stéréotypes de genre qui nuisent à la réussite des entrepreneuses, puisque cela requiert un engagement à plus long terme. La privation de temps, par exemple, est un problème majeur associé à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères. Or, l’expérience menée par CARE montre que le fait d’agir dans la sphère domestique peut améliorer grandement le partage des responsabilités et des décisions au sein du foyer. En retour, les femmes ont davantage de latitude et de temps pour se vouer à la croissance de leur entreprise et ainsi augmenter leur apport à l’économie locale.

« La glorification du multitâche chez les entrepreneuses doit cesser, affirme Rathi Mani-Kandt, directrice de l’entrepreneuriat et de l’inclusion financière des femmes à CARE États-Unis. En collaborant avec les femmes et leur réseau de soutien, nous voulons que tout le monde reconnaisse l’importance du partage des responsabilités domestiques et valorise l’immense contribution des entrepreneuses au sein du foyer, de la communauté et de l’économie. »

CARE appelle les autres organismes œuvrant dans le domaine de l’inclusion financière à :

  • Concevoir à l’intention des entrepreneuses des programmes globaux qui s’attaquent aux stéréotypes de genre;
  • Faire connaître les avantages liés au partage des responsabilités au sein du foyer et à la contribution économique des entrepreneuses;
  • Recueillir des données concernant les perceptions et attentes relatives aux rôles sexospécifiques et la manière dont ceux-ci font obstacle à la croissance des entreprises dirigées par des femmes;
  • Plaider en faveur de politiques qui tiennent compte des difficultés particulières rencontrées par les entrepreneuses.

Investir dans les entrepreneuses du monde entier!