L’histoire de lalaina : du viol et de l’injustice à une vie enrichissante

Crédit photos : CARE Madagascar

Regards croisés de jeunes femmes sur la vie à madagascar

À Madagascar, CARE a mis sur pied une collaboration avec Nofy Nandrianina Noelisoa Rajernerson, photographe professionnelle enseignant au centre résidentiel de réadaptation Akany Avoko Faravohitra (en anglais). Cet établissement offre aux jeunes filles une seconde chance, un espace de vie sécuritaire, des aptitudes fondamentales, et un soutien adéquat afin de leur permettre de surmonter les traumatismes du passé.

Nofy a demandé à trois de ses élèves* de documenter leur vie au centre, tout en racontant leur histoire.

Avertissement : ces témoignages évoquent des épisodes de violence, de deuil, de maltraitance infantile et de viol.

* Les prénoms de ces jeunes filles ont été modifiés.

Girl learning how to chop wood

« Je suis âgée de 16 ans, et j’ai intégré ce centre l’année dernière. Au total, j’ai six frères et sœurs. Avant, j’habitais à Mandoto, dans le centre de Madagascar. Ma mère, mes sœurs, mes frères et moi travaillions toutes et tous dans la riziculture. Mon père nous a abandonnés à ma naissance, et on ne l’a plus jamais revu. C’est donc ma mère qui assumait seule la charge de nous nourrir et de prendre soin de nous. Elle faisait au mieux avec son maigre salaire. Mais malgré ses efforts, on n’arrivait pas à manger trois repas par jour.

En grandissant, mes frères, mes sœurs et moi avons dû aussi travailler pour l’aider à subvenir aux besoins de la famille. Je gagnais [de l’argent] en transportant du riz et en faisant du jardinage. Mais ça n’a pas suffi et notre mère a connu de graves difficultés financières. À cette époque, on n’avait plus de lopin de terre à cultiver ni rien à se mettre sous la dent. Elle s’est donc résolue à m’envoyer travailler à Antananarivo pour l’aider à joindre les deux bouts et à nourrir la famille.

C’était la première fois que je me rendais dans la capitale. Je travaillais chez des particuliers, où je participais aux tâches ménagères. Au bout de deux mois, j’étais complètement autonome, et les choses se passaient bien.

Mais un jour, la famille est partie en voyage, et je me suis retrouvée seule à la maison avec l’un des fils. Il m’a demandé de dormir avec lui dans son lit, mais j’ai refusé et j’ai passé comme d’habitude la nuit sur le sol. Le lendemain, alors que je coupais des épinards dans la cuisine, il est venu, m’a attaché les mains et m’a bâillonnée avec un morceau de tissu pour m’empêcher de crier ou d’appeler à l’aide. Puis, il m’a portée jusque dans son lit et m’a violée. Il m’appuyait tellement fort sur la tête que je me suis évanouie. Je ne me souviens de rien d’autre.

Quand je suis revenue à moi, il n’était plus là. J’en ai profité pour aller voir la voisine et lui dire que j’avais été violée. Elle m’a immédiatement envoyée dénoncer mon agresseur à la police. J’ai alors subi un examen médical qui a confirmé le viol. Mais quand j’ai voulu porter l’affaire devant les tribunaux, le juge m’a répondu que je ne pouvais pas, car j’étais mineure et que ma mère n’avait pas les moyens de se rendre à Antananarivo pour déposer plainte en mon nom. La police m’a donc amenée au centre Avoko.

J’aime la vie ici parce que, depuis mon arrivée, mon existence a pris un nouveau tournant. J’ai appris à faire de la photo et à cuisiner, et j’ai même pu étudier pour la première fois. J’espère réussir mes examens et aller le plus loin possible.

Dans ce centre, j’ai acquis une grande expérience de la vie. Ici, je reçois une éducation, je m’épanouis et j’évolue – même dans mon apparence physique. J’ai aussi gagné en maturité.

En plus, je m’entends très bien avec les autres enfants. J’adore les cours de tante Hanta [sur] la tolérance et [sur] la bonne gestion de l’argent. Elle nous y donne de bons conseils et nous apprend à bien nous comporter. Elle nous parle aussi de notre avenir et de nos perspectives en dehors du centre.

Je souhaiterais devenir comme elle, et faire preuve d’autant de bienveillance. Même en colère, elle continue à sourire. Elle dit toujours : ‘‘Même si vous démarrez modestement, vous finirez par réussir.’’

J’espère faire carrière dans la photographie, une fois adulte. J’aimerais aussi avoir un grand restaurant. J’y vendrais des pizzas, du pain et de la crème glacée. D’ailleurs, j’adore cuisiner tous les aliments, qu’ils soient sucrés ou salés.

Je suis convaincue qu’en étudiant dur et en mettant de l’argent de côté, je pourrai rapidement atteindre mes objectifs. Je voudrais être reçue à mon examen cette année, puis aller à l’école comme n’importe quel autre enfant. C’est ainsi que je pourrai améliorer ma vie et réussir.

Je n’ai jamais pensé que je saurais un jour ce qu’est un appareil photo ou que j’en aurais un. Et pourtant : j’ai même appris à m’en servir! Le centre m’a véritablement ouvert de nouveaux horizons. »

Aidez lalaina et d’autres jeunes filles exceptionnelles à réaliser leurs rêves et à faire bouger les choses au sein de leur famille et de leur communauté.