Des hommes et des garçons déplacés : ce qu’ils ont à dire

Les conflits qui affectent la région du Moyen-Orient, particulièrement la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan, ont forcé des millions de personnes à prendre l’exil.

Un récent rapport publié par CARE, Hommes et garçons déplacés, aborde les situations auxquelles les réfugiés masculins sont confrontés. Ce rapport révèle que les hommes et les garçons font face à des défis spécifiques, mais il souligne surtout que ces défis sont souvent ignorés par les organisations humanitaires.

De nombreux hommes et garçons ont de la difficulté à se trouver un logement et un emploi. Plusieurs d’entre eux, également, sont pénalisés parce qu’ils n’ont pas de statut juridique, ce qui les prive de leurs droits et limite leur protection en matière de harcèlement, d’exploitation et d’abus.

Résultat : ils sont plus à risque d’éprouver des problèmes de santé mentale, d’alcoolisme, de toxicomanie, d’exploitation sexuelle et de criminalité.

Voici certaines expériences vécues par des hommes et des garçons déplacés en Serbie, où CARE vient en aide à des réfugiés en leur offrant des vivres, des services d’hygiène ainsi que du soutien psychologique leur permettant de surmonter des traumatismes.
Par souci de confidentialité, tous les prénoms ont été changés.

Ali, 16 ans

Ali, 16, from Afghanistan

« J’ai été kidnappé par les talibans dans mon pays, en Afghanistan. Ils m’ont cassé les deux jambes parce que je livrais des épiceries pour le magasin de mon père à des clients qui travaillaient pour le gouvernement.

« J’ai réussi à fuir l’Afghanistan par la frontière iranienne. Ç’a été difficile de voyager seul. Quatre des réfugiés avec lesquels je me trouvais ont été criblés de balles en essayant de traverser la frontière. L’un d’entre eux est mort.

« Je me suis rendu en Bulgarie, où j’ai été retenu en otage par des passeurs pendant 18 jours. Ils m’ont battu pour extorquer plus d’argent à ma famille. Finalement, j’ai réussi à m’échapper dans la forêt sans chaussures ni chemise. Depuis, j’ai toujours peur que les passeurs me retrouvent et me tuent. »

Ali est maintenant un réfugié en Serbie. Des souvenirs traumatisants de sa fuite viennent souvent le hanter. À son arrivée en territoire serbe, il a tenté de se suicider et s’est automutilé. Grâce à CARE, il reçoit désormais du soutien psychologique, de la nourriture et des trousses d’hygiène.

Omar, 17 ans

Omar, 17, from Syria

« Il y a quatre ans, j’ai quitté mon pays, la Syrie, et je suis maintenant en Serbie. Avant, je faisais des économies et je travaillais pour prendre soin des membres de ma famille. Mais maintenant, ils sont seuls.

« En tant qu’homme, je veux aider les miens, mais que puis-je faire? Ils ont besoin d’aide, mais tout ce que j’ai, c’est la vie qui coule en moi. Rien d’autre que cette vie misérable qui est la mienne.

« Quand j’ai essayé de traverser la frontière vers la Hongrie, j’ai dormi plus d’un mois dans la forêt. Plus de 20 fois, j’ai tenté de franchir cette frontière, mais les policiers hongrois m’ont sans cesse attrapé. Ils m’ont battu et ont mis leurs chiens après moi.

« Vous ne voulez pas savoir ce que des policiers hongrois font lorsqu’ils attrapent des réfugiés comme moi. Ils nous ont frappés avec des matraques, ont cassé nos téléphones et nous ont empêchés de communiquer avec nos familles. Ils nous ont volé nos sacs et notre argent. Une fois, ils ont même pris mes chaussures alors qu’il faisait un froid glacial.

« Une autre fois, ils nous ont aspergés de gaz poivre et j’ai perdu la vue pendant trois jours. J’ai eu peur de rester aveugle. »

Abdul, 16 ans

Abdul, 16, from Afghanistan

« Quand je suis arrivé à Belgrade à partir de l’Afghanistan, je n’ai pas pu me brosser les dents pendant 10 mois et je ne portais qu’une chaussure. Je n’ai pas pris de douche durant un mois. J’ai vécu dans la forêt près de la frontière serbe.

« Nous n’étions pas en sécurité à la maison. J’ai vu mon cousin être décapité devant moi par les talibans parce qu’il avait commis le “crime” d’aller à l’école. C’est pour ça que mes parents ont vendu la maison. Pour payer les passeurs qui allaient me conduire dans un endroit où j’allais être en sécurité. »

Grâce au centre de CARE, Abdul a eu accès à un lit chaud et à sa première douche chaude depuis des mois. Il a ensuite pu avoir une place dans un camp de réfugiés, où il a reçu de la nourriture et des trousses d’hygiène supplémentaires fournies par CARE. »

Ahmed, 14 ans

Ahmed, 14, from Afghanistan

« En Afghanistan, les attentats-suicides étaient fréquents et les talibans n’hésitaient pas à exécuter les enfants qui allaient à l’école.

« Mon frère m’a prêté de l’argent pour payer des passeurs. Je me suis enfui avec 14 autres personnes dans une voiture pour cinq passagers. Les passeurs ont entassé trop de gens dans l’auto et ne nous ont pas donné assez de nourriture et d’eau. Ils ont pris toutes nos affaires et nous ont battus.

« Avec les passeurs, il faut donner une moitié de l’argent avant, et une autre après. Maintenant que je suis en Serbie, je dois appeler ma famille et lui demander de fournir le reste de l’argent. Ils ont menacé de me retrouver s’ils ne l’obtenaient pas.

« Hier, j’ai eu droit à ma première douche chaude et à ma première nuit sous un toit depuis mon départ de la maison, il y a un mois. J’ai vécu dans la forêt pendant plusieurs semaines, alors j’avais des araignées dans les cheveux et des tiques sur le corps. Je ne peux dire à quel point c’était bon de me laver. »

Ahmed se trouve au centre de réfugiés de Miksalište, à Belgrade, où CARE fournit des services de base tels que des douches chaudes et du soutien psychologique pour les réfugiés. Il fait partie d’un groupe de réfugiés adolescents qui se réunissent pour partager leurs expériences, recevoir du soutien et tisser des liens amicaux. Ce groupe est essentiel pour de nombreux jeunes qui voyagent seuls.


Le rapport de CARE, Hommes et garçons déplacés : défis pour soutenir et protéger les garçons et les hommes réfugiés non accompagnés (seulement disponible en anglais), vise à mieux comprendre l’impact sexospécifique de la crise des réfugiés sur les adolescents non accompagnés, âgés de 13 à 17 ans et célibataires, ou vivant séparés de leurs familles. Il souligne aussi les lacunes réelles et potentielles des interventions humanitaires.

Ce rapport se fonde sur une revue de la littérature, des entretiens avec des intervenants clés et une observation directe effectuée lors d’une mission de deux semaines en Grèce.

Il présente des recommandations à l’intention des agences humanitaires internationales et nationales, des donateurs et des gouvernements accueillant des réfugiés.