3 raisons pour lesquelles les travailleuses de la santé jouent un rôle clé dans l’accès au vaccin contre la COVID-19

Un nouveau rapport de CARE détaille le rôle que jouent les travailleuses de la santé de première ligne dans la distribution des vaccins, et explique pourquoi il faut investir pour leur assurer une rémunération équitable et des conditions de travail décentes.

Selon un rapport publié aujourd’hui par CARE, il serait possible de sauver deux fois plus de vies en investissant dans la distribution équitable des vaccins qu’en se concentrant uniquement sur les pays plus riches.

Si près de 25 % de la population des É.-U. a reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19, les chiffres internationaux, notamment dans les pays à faible revenu ou intermédiaire, dépeignent une réalité bien plus sombre, marquée par de nombreuses inégalités. Au Brésil, c’est seulement 0,5 % de la population qui a reçu sa première injection, et le chiffre peine même à atteindre les 0,02 % en Afghanistan.

Pourtant, selon le rapport, des variants plus virulents du coronavirus continueront d’apparaître dans les populations non vaccinées, creusant ainsi les inégalités sociales et économiques.

Le rapport de CARE est on ne peut plus clair : les vaccins sont inutiles sans une logistique d’administration efficace. Alors même que le débat mondial sur l’accès vaccinal bat son plein, le rapport souligne que les pays donateurs « négligent largement la question essentielle de l’administration des vaccins – et le rôle clé qu’y jouent les travailleuses de la santé de première ligne ».

CARE estime en effet que pour chaque dollar qu’un pays ou un gouvernement donateur investit dans des doses de vaccins, il devrait en dépenser cinq pour assurer leur administration à la population. Ce financement permettrait de renforcer les infrastructures sanitaires, de soutenir les campagnes de sensibilisation à la vaccination, et d’aider le personnel de santé en lui offrant une formation adéquate, une rémunération équitable et un service de garde d’enfants. Ainsi, le personnel de première ligne – constitué à 70 % de femmes – serait réellement en mesure d’administrer les doses de vaccin de façon efficace.

Les travailleuses de la santé apportent chaque année 3000 milliards de dollars à l’économie mondiale. Pourtant, la moitié de leur travail n’est ni rémunéré ni reconnu. Grâce à un investissement adéquat, voici trois moyens qui permettront aux femmes de rendre enfin possible l’accès au vaccin contre la COVID-19 :

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1. LES TRAVAILLEUSES DE LA SANTÉ DE PREMIÈRE LIGNE AIDENT D’AUTRES FEMMES À SURMONTER LES OBSTACLES QUI LES PRIVENT D’ACCÈS AUX SOINS.

Dans l’État indien du Bihar, la participation des travailleuses de la santé à la planification des campagnes de vaccination et leurs efforts de sensibilisation des populations locales ont permis de faire bondir les taux de vaccination de 12 % à 84 % en l’espace de 10 ans.

Au Bénin, les travailleuses de la santé ont réussi à combiner vaccination et services de planification familiale afin d’instaurer un climat de confiance, de dissiper les mythes et les idées fausses, et d’améliorer l’acceptation vaccinale.

Les travailleuses de la santé de première ligne trouvent aussi des solutions pour que les femmes puissent surmonter les nombreux obstacles qui limitent leur accès aux soins – beaucoup sont entre autres obligées d’obtenir la permission préalable de leur mari ou ont l’interdiction de consulter des hommes médecins. Ces difficultés se sont encore aggravées au cours de la pandémie. Les femmes sont aujourd’hui deux fois plus susceptibles que les hommes d’avoir perdu leur accès aux services de santé.

À de multiples reprises, les travailleuses de la santé de première ligne ont joué un rôle fondamental pour imaginer des solutions et vaincre les obstacles liés au genre qui limitent l’accès des femmes à la santé – mais elles en ont payé le prix fort.

Rosaline, infirmière en Sierra Leone, affirme qu’il est particulièrement risqué d’être en première ligne. Durant l’épidémie d’Ebola qui a frappé le pays, elle a en effet vu disparaître de nombreuses collègues.

« Je conseillerais [aux travailleuses de la santé] de prendre soin d’elles-mêmes, de penser d’abord à leur vie et à celle de leur famille, et de se protéger », déclare-t-elle.

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2. LES FEMMES CONSTITUENT LA GRANDE MAJORITÉ DU PERSONNEL DE SANTÉ AU SERVICE DES POPULATIONS LES PLUS À RISQUE ET LES PLUS ÉLOIGNÉES.

Sur la planète, parmi les millions de travailleuses et de travailleurs de la santé plus ou moins officiels qui accompagnent les patients lors de l’administration vaccinale, plus de 70 % sont des femmes. Et elles risquent leur vie afin de pouvoir mettre des vaccins, des services et du matériel à la disposition des populations les plus mal desservies et les plus exposées au monde.

Régulièrement en contact avec des malades dans le cadre de ses fonctions, Karunya Devi, travailleuse sociale en Inde, dit « craindre constamment » pour sa santé et sa sécurité.

« Mais je continuerai coûte que coûte. Si je n’avais pas été là et si nous n’avions pas été aussi nombreuses à tendre la main, certaines familles se seraient retrouvées sans personne pour les aider durant cette crise. Rien ne peut m’arrêter », martèle Karunya.

En dépit de leur bravoure, les femmes ne sont toujours pas payées et estimées à leur juste valeur. Elles travaillent souvent dans des conditions dangereuses, sans ressources ni soutien. Une grande partie du travail qu’accomplissent les travailleuses de la santé n’est d’ailleurs pas rémunéré ou même reconnu. Et lorsqu’il est payé, ces femmes touchent en moyenne 28 % de moins que leurs homologues masculins, selon le rapport.

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3. LES TRAVAILLEUSES DE LA SANTÉ AIDENT LES GENS À VAINCRE LEURS RÉTICENCES CONTRE LA VACCINATION.

Une étude mondiale montre que près de 3 personnes sur 10 hésitent à se faire vacciner. La défiance de la population pourrait saper les efforts internationaux en vue de coordonner la distribution des vaccins contre la COVID-19.

Pour y remédier, il est donc essentiel d’investir dans des campagnes de sensibilisation. Il est prouvé que la plupart des personnes travaillant avec les patients sont des femmes, mais le fossé entre les sexes en matière de leadership est béant dans le domaine des soins de santé. En effet, à l’échelle mondiale, seuls 25 % des responsables du secteur sont des femmes, et ce chiffre dégringole même à 5 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Tania, travailleuse de première ligne contre la COVID-19 en Sierra Leone, déplore que les femmes du domaine de la santé ne disposent souvent d’aucunes ressources.

« Les gens me disent toujours : “Mais nous avons beaucoup d’infirmières”. Oui, mais justement : ce sont des infirmières. Ce ne sont pas elles […] qui décident du matériel qu’il faut acheter ou des personnes qu’on doit embaucher, regrette-t-elle. Les femmes doivent non seulement être présentes à tous les échelons, mais aussi avoir les moyens d’effectuer pleinement leur travail. Il faut les respecter, respecter leurs points de vue et leurs opinions, et aussi leur fournir les ressources dont elles ont besoin. »