Un an de guerre en Ukraine : l’histoire de Yulia

Dans son abri au sous-sol, Yulia n’est éclairée qu’à la lueur verdâtre d’une petite lampe de poche. Elle tend une à une les pièces d’un casse-tête à sa fillette de six ans, emmitouflée dans une couverture rose qui la protège du froid.

En août, Yulia a dû prendre une décision lourde de conséquences.

« Je n’avais que trois solutions, explique-t-elle. Premièrement, je pouvais rester à la maison et envoyer mes enfants dans une école où toutes les matières étaient enseignées en russe. Pour moi, c’était hors de question. Deuxièmement, j’avais la possibilité de refuser. J’aurais alors été déchue de mon autorité parentale et mes enfants auraient été envoyés dans un pensionnat en Crimée. J’ai donc choisi la troisième option : courir le risque de fuir vers l’Ouest. »

Mais il fallait s’y prendre trois mois à l’avance pour bénéficier d’une évacuation programmée. Yulia a donc décidé d’utiliser ses économies pour engager un chauffeur et jouer à ce qu’on appelle là-bas « la roulette de Vassylivka ».

La ville de Vassylivka, située dans l’oblast de Zaporijia, abrite un poste de contrôle qui peut rapidement se transformer en barrière infranchissable. Certains jours, on y laisse passer 200 voitures, d’autres seulement 4.

Yulia et ses enfants n’ont pris avec eux que le strict minimum : un peu de nourriture et quelques produits de première nécessité. Mais sur le chemin de Vassylivka, ils ont dû franchir 50 autres postes de contrôle et, chaque fois, Yulia était envahie par la même terreur.

« À chaque arrêt, on était examinés de la tête aux pieds, raconte Yulia. J’ai même fait le ménage dans mon téléphone, car j’avais peur qu’un simple sourire sur une photo ne soit vécu comme une provocation. Je ne voulais pas hypothéquer nos chances de réussite. »

Lorsqu’ils ont finalement atteint le poste de contrôle de Vassylivka, il leur a encore fallu patienter pendant quatre jours.

 

« À chaque instant, on avait peur de se faire tirer dessus ou de mourir sous une bombe. Mais on a eu de la chance. On a finalement réussi à passer. »

– Yulia

La famille vit désormais dans un abri en demi-sous-sol à Lviv.

Ce sont des partenaires de CARE qui ont aménagé les lieux pour les rendre habitables.

Certes, l’abri est sombre et exigu, l’ameublement rudimentaire et le confort sommaire. Mais selon ses propres dires, Yulia se sent « enfin en sécurité ».

En obtenant un logement sûr, Yulia, comme des milliers d’autres femmes ukrainiennes, a pu retrouver une vie à peu près normale avec ses enfants.

Selon une étude du Center for Women’s Perspectives, un organisme partenaire de CARE, plus de 50 % des Ukrainiennes déplacées à l’intérieur de leur pays ont besoin d’un logement individuel à titre permanent ou temporaire, et près de 74 % d’un soutien financier.

Yulia a perdu son emploi à cause de la guerre en Ukraine. Elle occupait un poste au tribunal et exerçait aussi comme fonctionnaire, mais ne pouvait pas continuer à travailler de la maison. Elle a dépensé toutes ses économies et appris à vivre au jour le jour.

« Je vis uniquement dans l’instant présent. Mon objectif pour le moment, c’est d’offrir de la joie à mes enfants, confie Yulia. S’ils veulent voir les montagnes, je les emmène à la montagne. Et s’ils veulent aller au zoo ou manger de la barbe à papa, c’est ce qu’on fait. »

La plus jeune des filles de Yulia a vécu difficilement son arrivée dans l’ouest de l’Ukraine, mais elle a pu bénéficier d’une aide psychologique.

« Elle a retrouvé le sourire », s’attendrit Yulia en regardant sa fille poursuivre son casse-tête.

Venez en aide à des femmes et à leur famille touchées par la guerre en Ukraine!