Une femme qui manie la clé à molette? : « Et pourquoi pas? » demande la Jordanienne Ra’edah Abu Alhalaweh

Par Reid Davis

Ra’edah Abu Alhalaweh possède un trousseau de clés quelque peu inhabituel, surtout pour une Jordanienne. En effet, au traditionnel anneau métallique est également suspendue une clé à molette miniature. Cette mère de six enfants la porte comme un emblème de la profession qu’elle a choisie : plombière.

Elle confie que ce choix est né d’une plaisanterie, mais que sa démarche a très vite pris un tour plus sérieux. Elle s’est effectivement rendu compte que son plaisir à « réparer les choses de la maison » répondait à un véritable besoin dans son pays.

« Dans notre culture, il est mal vu pour une femme de laisser un homme – même plombier – entrer dans la maison, surtout en l’absence de son époux », explique-t-elle. Elle ajoute que les maris sont souvent déjà partis au travail à l’heure où les plombiers – traditionnellement des hommes – viennent faire leurs réparations à domicile.

Ra’edah, qui a effectué des études universitaires et exercé comme enseignante avant de fonder une famille, a donc décidé de suivre une formation en plomberie. Elle a ensuite démarré un apprentissage auprès d’un plombier à Zarka – ville jordanienne où elle vit et travaille aujourd’hui, située à moins de 30 km de la capitale, Amman. Progressivement, elle est devenue de plus en plus autonome et a impressionné son formateur par ses capacités.

« À mes débuts, l’idée même d’exercer cette profession était quasiment inenvisageable pour une femme, témoigne Ra’edah. Mais aujourd’hui, beaucoup travaillent dans la plomberie. J’ai donc de nombreuses femmes parmi mes collègues. »

Four women stand together outdoors and smile. One woman holds a large plumbing wrench over her shoulder
Kate Adelung/CARE

Ra’edah s’est ensuite mise à son compte pour créer sa propre entreprise, puis a formé à son tour d’autres personnes.

« Le bouche-à-oreille a fonctionné, et les gens ont commencé à faire appel à mes services, se souvient-elle. J’ai aussi distribué des brochures et des cartes de visite magnétiques pour me faire connaître. »

Le sens des affaires de Ra’edah est sans conteste intuitif, mais elle a encore pu le renforcer grâce à un cours sur la création de petites entreprises, parrainé par CARE. CARE l’a également aidée à obtenir une subvention pour acheter du matériel et de nouveaux outils. Tout de suite, Ra’edah a fait la fierté de ses enfants.

« Ils partageaient ma page Facebook à tout-va, parlaient de mon travail à leurs amis et leur racontaient que je pouvais les aider dans absolument tous les domaines, s’amuse Ra’edah. Le principal message que je souhaiterais transmettre aux femmes, c’est que leur avenir est entre leurs mains, et non entre celles de leur mari. Je dis toujours à mes filles : le plus important, c’est que vous ayez votre indépendance financière. Alors, croyez en vous et ne lâchez rien! Même si vous êtes femme au foyer, votre situation peut évoluer. Sachez que votre contribution est nécessaire pour subvenir à vos besoins et à ceux de votre mari. »

En brisant les stéréotypes, Ra’edah est devenue le centre de toutes les attentions.

 

« Énormément de gens me disent : ‘‘Vous connaissez la plomberie? Vous pouvez vraiment faire des réparations?’’ Je leur réponds : ‘‘Oui, tout à fait!’’ »

– Ra’edah Abu Alhalaweh

Ra’edah Abu Alhalaweh est plombière à Zarka, en Jordanie. Photo : Kate Adelung, CARE

« Je me rappelle une fois en particulier où mon arrivée a été vécue comme un véritable événement, raconte-t-elle. Pendant que je réparais la salle de bains, la propriétaire de la maison et son mari étaient littéralement scotchés à mes moindres faits et gestes. Lui disait à son épouse combien j’étais géniale et à quel point il était impressionné. En fait, je suis devenue une sorte de modèle pour d’autres femmes. Même les enfants n’en revenaient pas et avaient les yeux rivés sur moi. Dans notre culture, il est vrai que le métier de plombier est l’apanage des hommes. »

« Un jour, je suis montée dans un taxi et j’ai dit au chauffeur que j’étais plombière. Il m’a lancé : ‘‘Ah, c’est vous Ra’adeh?’’ Et je lui ai répondu que oui, se remémore-t-elle dans un éclat de rire. Je me suis alors dit que ma réputation me précédait. »

Au cours de sa carrière, Ra’edah est intervenue dans un certain nombre de maisons où les problèmes de plomberie avaient longtemps été ignorés, simplement parce qu’aucun homme n’aurait pu se rendre sur place durant la journée. Elle s’est également heurtée à un grand scepticisme.

« Énormément de gens me disent : ‘‘Vous connaissez la plomberie? Vous pouvez vraiment faire des réparations?’’ Je leur réponds : ‘‘Oui, tout à fait!’’ D’ailleurs, pourquoi n’en serais-je pas capable? Qu’est-ce qui s’y opposerait? J’ai reçu une solide formation en plomberie. J’ai de l’expérience de terrain. Voilà les véritables preuves! Confiez-moi une réparation et vous constaterez le résultat par vous-même! », répète-t-elle.

Elle conclut : « Si vous aimez ce que vous faites, vous avez toutes les cartes en main pour réussir. »

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