Agriculture au Liban : germe d’espoir

Je m’appelle Youmin Nasser Al Khoder. J’habite au nord du Liban, dans le gouvernorat de l’Akkar, dans le petit village de Berdeh pour être plus précise.

Mon métier, c’est de produire des aliments sains et savoureux. Et quand je travaille à la ferme, je me sens pousser des ailes.

Je plante en fonction des saisons.

L’hiver, je cultive des choux-fleurs, des choux, des laitues d’hiver, des bettes à cardes, des épinards, de la coriandre et du persil. Je construis même un abri pour protéger mon persil de la pluie et du froid – et ma coriandre aussi. L’été vient le temps des pommes de terre, des tomates, des haricots verts, des aubergines, des courgettes, des concombres, des melons… et des laitues d’été, bien sûr!

Parfois, lorsqu’il m’en reste, je vais les vendre, histoire de rembourser le coût des semences et des traitements naturels, voire de gagner quelques sous.

À la ferme, on a aussi des vaches, des moutons et des poules. On leur doit beaucoup. Je veux dire par là que, grâce à leur fumier, je n’ai pas besoin d’acheter d’engrais et que j’en tire un bénéfice certain.

Mais le plus important, c’est que nos légumes soient sains : sur nos terres, vous ne trouverez ni produits chimiques ni eaux usées.

J’ai beaucoup de plaisir à travailler à la ferme. Oui, j’adore mon métier. De toute façon, quand on n’aime pas ce qu’on fait, on n’arrive à rien.

Il faut de la passion pour réussir; et c’est vrai dans tous les domaines.

A woman sits beside a young cow and offers is food.
Kate Crosby, CARE

Le temps des désillusions

J’ai fréquenté l’école publique d’Aaidamoun [dans le nord du Liban]. Au fil du temps, j’ai découvert que j’étais douée pour le basketball. J’ai même tenté de monter une équipe avec mes camarades pour participer à des tournois… en vain. Ici, la société est un peu rigide. Alors, une équipe de filles, ça ne passait pas. Pour nous, la pilule a été difficile à avaler.

Mais j’avais un rêve : aller à l’université et devenir entraîneuse sportive pour créer une équipe de basketball féminine. Un jour, on m’a donné le nom d’un entraîneur au club de Safadi. Je suis allée le voir et je lui ai tout raconté : mon projet de devenir joueuse de basket, d’intégrer une équipe nationale et de participer aux championnats du monde.

Mais j’ai tout de suite senti son scepticisme. Ça a été la douche froide et je suis repartie de là avec le moral à zéro, complètement déprimée et sans aucune envie. Pourtant, l’idée d’aller à l’université pour devenir entraîneuse sportive a continué à faire son chemin. J’ai donc commencé à travailler pour financer mes études. Mais quand j’ai vu le montant des droits de scolarité, je suis restée bouche bée. Je ne pouvais absolument pas payer une telle somme. J’ai donc enterré définitivement mon projet et poursuivi mon travail.

A woman stands outdoors with a hoe across her should and smiles
Kate Crosby, CARE

Le bonheur est dans le pré

C’est là que j’ai fait la rencontre de mon ami Jalal. Il m’a expliqué travailler la terre et vouloir se lancer dans la culture sous serre – une activité à la fois intéressante et lucrative a-t-il ajouté. J’ai donc décidé de franchir le pas, et j’ai été portée par ses encouragements.

Oui, Jalal m’a été d’un soutien phénoménal.

Je pouvais l’appeler à la rescousse à la moindre question. Par exemple, quand mes plants étaient malades, il m’indiquait le traitement à appliquer et l’endroit où me le procurer. J’ai suivi chacun de ces conseils et, mois après mois, j’ai appris à ses côtés. Progressivement, je me suis familiarisée avec l’art de cultiver et de travailler la terre.

Je ne savais pas grand-chose et, pourtant, j’y suis arrivée.

Ma famille a alors commencé à compter sur moi pour subvenir à ses besoins. Aujourd’hui, je plante de tout pour ne jamais manquer de rien. Et à la maison, nous sommes huit à vivre de l’agriculture.

A woman standing outdoors looks straight ahead
Kate Crosby, CARE

Entre changements climatiques et pannes d’électricité

Bien sûr, ma vie n’est pas toujours rose, loin de là. Les changements climatiques nous mènent la vie dure. Et pour couronner le tout, les coupures d’électricité nous empêchent d’arroser et de planter en grandes quantités.

Il nous est d’ailleurs impossible de semer sans courant. Sans ces aléas, j’aurais pu prendre mon courage à deux mains et aller vendre ma marchandise sur les marchés pour gagner un peu d’argent.

Mais bon, on n’a de l’électricité que deux à quatre heures par jour. Ce n’est pas assez pour planter quoi que ce soit. Je n’ai donc rien semé cette année. Par contre, j’ai dû acheter du carburant et mettre en marche la génératrice pour démarrer la pompe du puits arroser mon champ. Sans ces coupures de courant à répétition, j’aurais eu une récolte bien plus importante et une source de revenus. Enfin… [Je ne peux produire] que ce qui est strictement nécessaire à notre consommation personnelle.

Pour être tout à fait honnête, il n’y a plus de place pour le rêve au Liban.

Ici, notre quotidien, c’est la misère : les coupures d’électricité, l’absence de soins médicaux, les privations de tout, tout le temps. Voilà l’amère réalité qui mine nos rêves.

Alors, mes aspirations pour mon pays? C’est qu’il devienne une terre de justice pour toutes les Libanaises et tous les Libanais.

Two hands holding half a dozen brightly coloured eggs
Kate Crosby, CARE

L’espoir de lendemains meilleurs

Grâce à CARE, nous pouvons bénéficier de nombreux services.

Dans le cadre d’un de ses projets, l’équipe organise chaque mois un cours dans la région de Dreib afin de nous informer sur l’agriculture, les maladies, les traitements possibles, la lutte contre les nuisibles, les insectes bénéfiques, etc. On nous y explique aussi comment utiliser les pesticides à bon escient, c’est-à-dire en quantités non préjudiciables pour notre santé. CARE nous a également fourni des semences et du matériel, et continue à nous procurer de l’aide.

Oui, les choses prennent du temps à se mettre en place, mais je suis reconnaissante du soutien qu’on nous apporte durant cette crise majeure.

Aujourd’hui, j’aimerais agrandir ma ferme et, pourquoi pas, exporter mes produits. J’espère que le gouvernement libanais cessera d’importer massivement des marchandises, en particulier des légumes, et qu’il tendra la main à ses agricultrices et agriculteurs. Je souhaiterais que le peuple libanais ne soit pas la victime collatérale des manquements de sa classe politique.

 

« Mon rêve pour les femmes, c’est qu’un jour elles se libèrent. »

Youmin Nasser Al Khoder

[J’espère] que les femmes pourront enfin décider pour elles-mêmes et être indépendantes. C’est ainsi qu’elles se hisseront à des postes jusqu’ici réservés aux hommes et qu’elles deviendront présidentes de la République ou chefs du gouvernement ou du Parlement.

Je sais que certaines d’entre nous pensent autrement et valent mille fois plus que les hommes.

Ces propos ont été recueillis par l’équipe de CARE. Quelques modifications y ont été apportées par souci de clarté, sans en altérer le sens.

Aidez des femmes comme Youmin à disposer du même accès aux ressources économiques et naturelles que les hommes et à participer équitablement aux processus décisionnels. Elles auront ainsi toutes les cartes en main pour réaliser leurs rêves.

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