L’histoire de Sanjida : « Je crois que si l’on permet aux filles d’évoluer et de s’épanouir, le monde entier s’en trouvera transformé. »

Je m’appelle Sanjida. J’ai 18 ans et je vis dans le district de Rangpur au Bangladesh.

Dans mon village, il y a beaucoup plus de femmes et de filles que d’hommes. On constate que les femmes s’adonnent aux mêmes tâches que les hommes. Dans les champs, les femmes sont là. Dans les cuisines, ce sont aussi les femmes qui s’y trouvent. Dans notre village, il n’y a pas de limite aux types de tâches que font les femmes.

Cependant, des inégalités subsistent, entre autres en ce qui concerne l’éducation et le mariage précoce.

Certaines filles veulent étudier, aller à l’université, devenir médecins, enseignantes, avocates, etc. Mais leurs ambitions restent le plus souvent des rêves. Beaucoup de filles se marient avant même d’avoir terminé le secondaire. Elles subissent de la pression de la société. Elles comprennent rapidement qu’une fille n’est pas un garçon, et qu’à un certain âge elle doit se marier et habiter avec sa belle-famille. 

Autoportrait de Sanjida. Sanjida/CARE

L’éducation des filles et des garçons diffère. Lorsqu’une fille exprime un besoin, on la coupe en lui criant dessus, on lui dit de faire de l’air, puis elle va s’asseoir dans un coin de la maison pour se faire oublier. C’est ainsi qu’elle grandit, cible de la colère des uns et des autres, avec le sentiment, présent dès l’enfance, qu’elle est un fardeau pour sa famille. C’est la raison pour laquelle les filles ne s’expriment généralement pas et ne partagent pas leurs opinions, leurs besoins et leurs désirs.

Le mariage des enfants est une réalité dont on ne parle pas dans notre région. C’est un problème occulté qui persiste et ne fait que s’aggraver. J’ai personnellement observé que les filles qui sont mariées à un jeune âge ont des problèmes de santé et ont du mal à prendre soin d’elles-mêmes. Les bébés de ces jeunes mères ne reçoivent pas les soins appropriés et beaucoup ne survivent pas. Certaines filles vont même jusqu’à se suicider tant leur souffrance est grande. De la maison familiale au foyer conjugal, elles subissent toute leur vie de la maltraitance.

Dans notre village, la mise en œuvre de politiques garantissant l’égalité des genres et un traitement équitable entre hommes et femmes est une nécessité absolue. Je veux créer un village où les hommes et les femmes travaillent ensemble sur un pied d’égalité, où les femmes ne sont pas négligées et où les hommes ne sont pas considérés comme supérieurs. De plus, les filles de mon village n’ont pas de tribune où s’exprimer. Si un espace sûr était créé à cet effet, elles trouveraient les mots pour réclamer les droits qui sont les leurs, ce qui leur permettrait de cultiver un sentiment d’identité plus fort.

Enfants de la communauté de Sanjida. Sanjida/CARE

Début 2019, j’ai rejoint le projet Point de bascule [Tipping Point de CARE]. Grâce à diverses séances et activités, j’ai appris à mieux me connaître et à mieux cerner ce que je veux. En plus d’assister aux séances, j’ai pris part à des activités qui réunissaient parents et adolescentes, par exemple des discours, des événements sportifs, l’organisation de programmes et même la participation à des pièces de théâtre. J’ai trouvé là des occasions d’épanouissement et de développement personnel.

Nous avons mené cette initiative de A à Z. Nous avons rassemblé les leaders locaux et les personnalités du village. Du début à la fin, nous étions aux commandes. Nous avons réfléchi à la manière d’utiliser le théâtre pour nous présenter, ce qu’il fallait faire et ne pas faire, et nous avons tout mis en œuvre conformément à notre scénario. Par ce moyen, nous avons essayé de faire comprendre que nous avons aussi le pouvoir et la capacité de faire toutes sortes de choses. Nous avons beaucoup insisté sur ce fait.

A girls feeds chickens
Sanjida/CARE

Pour moi, l’autonomisation, c’est la liberté de poursuivre mes rêves, de faire des choix et de faire valoir mes droits. Lorsque les filles ne sont pas conscientes de leur pouvoir, elles deviennent vulnérables à la coercition et à la maltraitance. Et c’est là que le pire peut se produire. Cependant, lorsque les filles se sentent autonomes et peuvent exprimer leurs opinions, elles deviennent aptes à mener une vie indépendante et à faire ce qu’elles désirent. Cette responsabilisation fait d’elles des citoyennes à part entière. Les filles doivent pouvoir s’exprimer, non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour remettre en question les normes imposées par la société. Ce faisant, elles gagnent non seulement en indépendance, mais contribuent également à la construction d’une société plus équitable.

Dans notre village, les mentalités changent. Avant, lorsqu’une fille se rendait à l’école à vélo, des gens s’exclamaient sur un ton désapprobateur : « Hé! Une fille qui fait du vélo! » Nous avons eu l’idée de présenter des pièces de théâtre et des séances d’information pour expliquer que le vélo permet aux filles de se débrouiller par elles-mêmes, ce qui a fait évoluer les perceptions. Aujourd’hui, le port d’une burqa, d’un hidjab ou d’un vêtement ordinaire est considéré comme un choix personnel. Bien qu’il y ait encore des objections, la majorité des gens du village ont maintenant un regard plus nuancé et respectueux des opinions des femmes. Les pères aident désormais leurs filles à cuisiner. Les gênes sont peu à peu surmontées. C’est donc dire que beaucoup d’attitudes ont changé.

Contribuez à faire tomber les barrières qui empêchent les femmes et les jeunes filles de réaliser leur plein potentiel.